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1- Culture, Mémoire ?
2- Une mémoire d’organisation ?
3- Gérer des urgences et/ou des priorités
4- Assurer des fonctionnements ordinaires
5- Innover, se développer
6- Le système de décision
Concluons
Les années 80 ont vu apparaître le concept de “culture
d’entreprise”, voire même d’
“âme d’entreprise”. Des ouvrages se sont penchés
sur sa description, ses modes d’élaboration, sa fonction. L’émergence du
terme dans son application à l’entreprise est révélatrice de la nécessité
de la penser autrement que comme une organisation mécanique. Reste que cette
notion reste en grande partie “molle”,
floue, relativement indéterminée et peu fonctionnelle. En effet, si l’on
s’entend généralement sur le fait qu’une culture a du sens et en donne,
peu de recherches avancent vers des modélisations opérationnelles, sinon
quelques essais dans le sillage de P. JARNIOU (1).
Différence de fond d’avec la culture individuelle, la culture des sociétés
humaines n’est pas fimalisée sinon par des discours (et des écrits) sur
quelques grandes valeurs. Elle est auto-fabrication au gré des échanges
et interactions, contraintes, émergences de besoins nouveaux et découvertes.
Chaque culture nationale est un mélange subtil de valeurs, produits et codes
locaux, de valeurs, produits et codes internationaux, d’histoire, d’avancées
technologiques et scientifiques, et d’action politique..., avec souvent des spécificités
régionales et locales. Au niveau d’une organisation professionnelle (privée
ou publique), la culture à acquérir est, par contre, la plupart du temps
nettement finalisée, souvent même sous forme d’objectifs normatifs. Elle
définit des formes acquises de comportements et se fonde sur des supports sur
lesquels sont inscrits, sous des formes variables (mythologies, lois, procédures...)
les engrammes collectifs d’organisation
La culture d’entreprise a entre autres particularités aujourd’hui la volonté
de se penser “en rupture”
d’avec les cultures dominantes des organisations professionnelles durant les années
70 et à produire de l’adaptation et de l’évolution permanente.
1- Culture, Mémoire ?-
La “culture d’entreprise”
telle qu’elle est définie, reste souvent peu explicite sur ses objectifs opérationnels
et ses modes de fabrication, sinon par quelques recettes et l’invocation du charisme
de “managers du XXIème siècle”.
Le concept de “mémoire”
nous semble plus opératoire.
J. LADRIERE (2) développe: “La
culture d’une collectivité peut être considérée comme l’ensemble
formé par les systèmes de représentation, les systèmes normatifs,
les systèmes d’expression et les systèmes d’action de cette collectivité”.
Pour l’auteur, ces différents système comprennent :
Plus proche de notre objet du fait de la profession de son
auteur, consultant, la définition que nous propose C. HAMPDEN-TURNER (3) rejoint la
précédente : “La culture d’une organisation
définit un comportement approprié, relie et motive les individus, et impose
certaines solutions là où il y a ambiguïté. Elle gouverne la
façon dont une entreprise traite l’information, ses relations internes et ses
valeurs. Elle fonctionne à tous les niveaux, du subconscient au manifeste.”
Culture et mémoire possèdent un certain nombre de caractéristiques
communes :
E. MORIN rajoute (4)
“... les individus ne peuvent former et développer leur
connaissance qu’au sein d’une culture, laquelle ne prend vie qu’à partir des
inter-rétroactions cognitives entre individus: les interactions cognitives des
individus régénèrent la culture, qui régénère ces interactions
cognitives.”.
C’est dire déjà la vanité de ceux qui pensent une culture d’entreprise
fabriquée à partir de quelques opérations (en général assez
onéreuses) de communication interne comportant le message du PDG. On arrive,
dans ces situations, au même écart qui existe entre la culture officielle
(versions STALINE, HITLER, ou KIM-IL-SUNG) et la culture réelle, écart
qu’on est alors obligé de tolérer (sans en comprendre les causes), et l’apparition
de contre-cultures souvent tout aussi aberrantes fonctionnellement. Cela expose à
des réveils difficiles et souvent explosifs.
Le passage de la “culture d’entreprise”
à une “mémoire d’entreprise”
complexe, commune, sous des formes différenciées à l’ensemble de ses
acteurs, facilitant les performances, les apprentissages, les implications, la flexibilité,
les développements, organisée/régulée par le système d’information
élargi (officiel + officieux) tel que le décrit J. MELESE (5) offrirait aux différents consultants
un support méthodologique plus cohérent. Il permet le transfert d’une représentation
sur le mode mécanique de l’entreprise à une représentation en référence
à un modèle biologique d’une manière moins incantatoire.
La mémoire étant intrinsèquement co-productrice de la réalité
perçue et conçue, son importance est stratégique dans l’objectif d’optimisation
de la ressource humaine.
Dès lors le Management (dans l’acception française du terme, c’est à
dire essentiellement la gestion/animation des ressources humaines) devient:
L’ensemble des techniques permettant la constitution et la gestion d’une mémoire
d’organisation professionnelle opérationnelle dans ses contextes à courts,
moyens et longs termes.
2- Une mémoire d’organisation ?-
Les compétences professionnelles actuellement exigées d’un poste de travail
dessinent l’objectif assigné à une mémoire d’organisation.
Le sous-système de mémorisation doit répondre aux besoins “primaires” du poste:
Afin que ces trois niveaux de formalisation aient un minimum
d’efficacité, il est préférable que les personnels concernés
aient été étroitement associés à leurs définitions.
Mais ne concevoir que ces fonctions revient à privilégier la reproduction
à l’identique, à enraciner ces formalisations et à rendre toujours
plus difficiles les changements, les évolutions et les innovations. Or nous
savons qu’une des caractéristiques des organisations professionnelles modernes
est l’accélération du rythme des changements qui leur sont nécessaires.
Schématiquement, une organisation doit :
Ces trois types de fonctionnements (les deux premiers gérant
la conservation et la régulation, le trosième l’évolution et le changement)
obéissent à des logiques et induisent des types de traitement de l’information
de natures différentes, avec des modes de gestion différents. Or, les membres
d’une organisation ont tendance à ne se voir et ne se concevoir qu’à travers
ce qu’ils font, reproduisant à l’identique. Dès lors, chaque changement
significatif va puiser dans les réserves de redondance, fragilisant l’organisation
et rendant plus difficile le changement suivant.
Le sous-système de mémorisation doit donc répondre, dans les organisations
modernes, à un quatrième “besoin” du poste: la diffusion et la facilitation de l’amélioration,
du changement et de l’innovation au bénéfice des besoins du client, qui
doit constituer une sorte de méta-concept , une sorte de code génétique
éclairant et conditionnant en permanence les trois premiers. Nous verrons que
cela influe sur le sous-système général de pilotage et de décision.
3- Gérer des urgences et/ou des priorités -
Lorsque je m’assois malencontreusement sur une chaise sur laquelle une punaise a
été oubliée pointe en l’air, la sensation douloureuse est presque
directement transmise aux faisceaux musculaires qui vont, sans analyse, ni réflexion,
ni action volontaire de ma part, m’obliger à effectuer un bond en avant, généralement
accompagné d’un cri.
Une urgence, en situation professionnelle obéit à ce type de logique, court-circuitant
les procédures fixant les fonctionnements normaux. La gestion organisée
des urgences suppose d’autres types de procédures et la définition stricte
des signaux les déclenchant.
On prétend que “ventre affamé n’a point d’oreilles”, ce qui signifie que lorsque les besoins fondamentaux de mon organisme
sont en cause, le paléoencéphale active un certain nombre de comportements,
mobilisant toutes les ressources de mon organisme pour la satisfaction obstinée
de ce besoin prioritaire.
Lorsque les intérêts vitaux de l’organisation sont en cause, les procédures
normales sont, là encore, court-circuitées. A partir des sous-systèmes
spécialisés, toutes les activités, tous les comportements sont impérativement
hiérarchisés par la défense de ces intérêts.
Dans les deux cas, ce qui caractérise ces situations peut se définir ainsi
:
La gestion des urgences, incontournable dans toute organisation
vivante, appelle donc de la flexibilité, mais une flexibilité autoritaire.
Cependant, en tant que telle, la “réaction d’urgence”, même si elle est efficace, n’évite pas les renouvellements.
Ma réaction à la punaise placée sur ma chaise ne m’empêchera
pas de risquer la même mésaventure chaque fois que je voudrais m’asseoir.
Elle ne me rendra pas plus intelligent voire, si elle se reproduit souvent, elle
risque de produire une phobie.
Eviter ce risque suppose que je recule, que j’analyse à froid, que je fasse
appel à toute mon expérience et que j’élabore une procédure de
vérification préalable que j’applique systématiquement avant de m’asseoir.
La gestion autoritaire des urgences vraies “pompe” dans les réserves de redondance organisationnelle. Elle ne sera
supportable sur le long terme que si :
Le traitement des urgences, autoritaire et tendu, ne sera efficace à long terme que s’il s’accompagne de modalités de management résolument participatives, d’une disponibilité de l’encadrement et de:
L’oublier c’est, quelques soient les volontés individuelles, accepter à terme une dégradation forte de l’ambiance de travail et la rigidification des comportements individuels.
C’est l’analyse commune des urgences et des évènements
extra-ordinaires, leurs causes et leurs traitements qui va installer, dans la mémoire
commune qui devrait être présente chez tous les personnels (véritable
code génétique de l’organisation, apporteur de sens), une modalité
com-mune de traitement de l’information, marquant fortement et pouvant donner des
sens compatibles avec les grandes valeurs affichées de l’organisation, (bien
plus que de grands discours ou des dépliants luxueux). Le fait que ces évènements
soient à forte charge émotionnelle et à fort investissement énergétique,
le passage d’un fonctionnement autoritairement hiérarchisé à un moment
de réflexion dans lequel l’opinion de chacun est également prise en compte
(mise en redondance des “éléments”) est un contexte qui va favoriser l’émergence
d’une véritable mémoire commune opérationnelle.
Le travail des groupes de travail ou des cercles de qualité va être de
traiter ces irrégularités (une urgence est toujours une irrégularité
par rapport aux fonctionnements ordinaires) par la détermination des régularités
qui les sous-tendent: régularités de lieux (Où?), de temps (Quand?),
de formes (Comment?), de responsabilités (Qui?)...
Il en va de même lorsque sont en cause les intérêts vitaux de l’entreprise
et où chacun, à tort ou à raison, a l’impression d’en faire les frais
principaux.
H. INOHARA (6) explique
comment, en cas de difficultés graves, le premier réflexe de l’entreprise
japonaise est, après avoir joué sur les primes et bonus de toutes sortes,
de réduire d’abord le salaire des cadres dans des proportions allant de 10 à
20%. Cela a pour effet de recharger en redondance, de montrer aux opérateurs
(aux salaires moins élevés) la réalité de la solidarité
d’un réel projet d’entreprise, pour le pire comme pour le meilleur. Que dire
alors des entreprises qui licencient par surprise ou avec un préavis de 48 heures..!
Le management participatif ne peut se borner à la mise en place de quelques
cercles de qualité. Il englobe les différentes formes de participation
aux bénéfices comme aux risques.
4- Assurer des fonctionnements ordinaires-
Ce sont ceux qui règlent les fonctionnements codifiés à l’intérieur
des champs délimités par les descriptions de postes et fonctions, à
partir de signaux déclencheurs de processus. Le degré d’appropriation de
ces programmes d’actions par les opérateurs va déterminer en grande partie
leur efficacité. En effet, le bon déroulement d’un programme-processus
est inséparable de:
S’ils sont formalisés (bible des procédures, cahier
des charges, spécifications diverses, Manuels d’Assurance Qualité, normes,
descriptions de postes et fonctions...), décrivant ce qui se fait afin de faire
ce qui est écrit (et de la vérifier), ils sont comparables aux programmes
et concepts emmagasinés dans les plis et couches du néo-cortex. Leur application
correcte, quelles que soient leurs qualités intrinsèques, va dépendre
en grande partie de la perception qu’en ont les opérateurs, de la manière
dont ils ont vécu leur mise en place et dont ils sont gérés.
Les écarts entre les prestations découlant du déroulement de ces programmes
et les objectifs seront de deux ordres :
Comme le souligne V. HAVELANGE (7): “sans autodescription,
les organisations complexes tendent à se détériorer dans leurs fonctionnements
et ne peuvent évoluer sous la pression de leurs interactions avec l’environnement”.
L’actualisation de la description des tâches associant étroitement les
opérateurs s’opère normalement à plusieurs reprises :
Elle doit ausi s’ouvrir sur les évolutions prévisibles
du poste.
Elle peut se traduire par une Fiche d’Evaluation, servant de support à l’entretien
annuel d’évaluation, à trois niveaux :
Une procédure, une fiche de poste sont, dès qu’elles
ont été bâties, des objectifs qualitatifs à atteindre. Leur formalisation
doit donc répondre aux caractéristiques d’un objectif: Observables, mesurables,
univoques et surtout rédigés en langage utilisateur. Le plus sûr moyen
de l’univocité est dans la participation des acteurs à leurs formalisation.
En outre, nous avons souligné, dans le chapitre sur la mémoire, que la
manière dont est vécue l’interaction (gratifiante ou non) va cadrer une
mémorisation adaptée ou non. Les mécanismes d’élaboration et
d’actualisations des diférentes formalisations sont alors partie intégrante
du système d’information de l’organisation et garantissent (ou non) une mémoire
d’organisation opérationnelle à tous.
Reste qu’une formalisation (procédure d’action ou description de fonction) doit
s’apparenter davantage à un contrat, à un accord sur des règles du
jeu (le fait qu’elles soient strictes ne doit pas les empêcher d’être dotées
d’une certaine souplesse, de jeu), qu’à une règle intangible. Dans leur
définition, la description de leurs modalités d’évolution est aussi
importante que la prescription elle-même.
La problématique systémique de la communication nous montre qu’un message
peut être renforcé ou disqualifié par son contexte métacommunicationnel.
Il en va de même en ce qui concerne les procédures et formalisations diverses.
Leur application correcte va dépendre de la perception qu’en ont les acteurs
à l’intérieur d’une fourchette qui va de :
5- Innover, se développer-
Comme la Fête dans la société traditionnelle, moment fort de régulation
sociale, les moments extra-ordinaires dans la vie d’une organisation sont ceux (hors
conflits) :
Ces mécanismes sont, par ailleurs, proches de la structure
du sommeil paradoxal, celui du rêve, dont la plupart des spécialistes soulignent
l’importance dans les processus de mémorisation.
Comme on le voit, sont décrits ici tous les moments forts de la communication/régulation
professionnelle, ceux où la variété fonctionnelle s’efface et où
se rechargent les réserves de redondance, ceux où la coopération prend
le pas sur l’exécution autoritaire et où s’enracinent des valeurs (si l’écart
entre les “dits” et les
“faits” ne sont pas trop
important et si l’exemplarité des comportements des hiérarchies est réelle)..Elles
supposent un management participatif, ouvert (et disponible), balladeur..! M. NEMOTO
(8), dans un ouvrage
exécrablement traduit, insiste sur le fait que ces moments doivent impérativement “donner la parole à tous”, avec
les mêmes droits et le même a-priori de compétences et d’intelligence.
Il en existe, en organisation professionnelle, toute une variété de ces
moments qu’on peut classifier à partir de deux variables :
A partir de ces deux axes, peuvent se décrire les principaux types de réunions :
Très souvent, trop souvent, ces moments sont lamentablement gérés
et fabriquent alors autant de conflits et de mépris qu’il ne résolvent
de problèmes. La nécessité et la possibilité d’une gestion efficace
de ces périodes de communication est d’apparition relativement récente.
Ce n’est que vers la fin des années 70 que le problème s’est réellement
posé en France. Ce n’est que vers la fin des années 80 que la plupart des
Ecoles d’ingénieurs ont intégré, dans leurs cursus, des séquences
consacrées au management et aux techniques de communication et d’animation d’équipes.
Ces compétences sont pourtant indispensables à la polyvalence de l’acteur
d’une organisation professionnelle moderne, d’autant plus qu’il est appelé à
s’élever dans la ligne hiérarchique. P. SENGE (9) , dans le chapitre “Apprendre
en équipe” de son ouvrage insiste sur l’importance
stratégique de ces capacités et apporte un éclairage original sur
les techniques aptes à fabriquer un groupe de production efficace.
Sans entrer dans une idéalisation des cercles de Qualité (en fait simple
transfert hiérarchiques de quelques compétences, dans le cadre d’un rituel
strict), H. INOHARA souligne qu’ils fonctionnent actuellement dans plus de 60% des
entreprises nippones et, dans 70% de ces entreprises, ils concernent tous les employés
et toutes les unités fonctionnelles. Tous les sondages menés auprès
d’employés et cadres utilisant le travail en groupe restreint insistent sur
l’amélioration de compétences spécifiques relatives à ce qu’on
peut définir comme la capacité à fabriquer en continu de la redondance
organisationnelle, lubrifiant essentiel de la flexibilité. Ces capacités
devenant un méta-code dans l’analyse, par tous les personnels, des perturbations
les plus diverses.
Comme le souligne H. LANDIER (10), l’esprit d’entreprise “doit être
une qualité de l’ensemble des parties constitutives de l’entreprise et non des
seuls individus qui en forment la direction”, un véritable
code génétique, formalisant de véritables “espaces
d’autonomie” et de décision dans le cadre d’un
projet d’ensemble régulé en tant que tel.
Restera la gestion des incontournables “trous
noirs” du système, espaces opaques et irrationnels
où s’épanouissent les irrationalités sociales et environnementales.
JL LEMOIGNE (11) préconise pour cela le “phénomène
cafétaria”, lieu d’échanges informels et aléatoires
où se centralisent les bruits et rumeurs, où s’expriment les doutes et
rancœurs, méta-régulateur du système de communication interne par
les “informations” qui en remontent.
6- Le système de décision.
Il est classiquement décrit comme central et au sommet de la ligne hiérarchique.
Il compute essentiellement des informations symboliques provenant du codage en ratios
divers et en budgets ou en résultats financiers les différentes activités
de l’organisation.
J. JURAN(12) souligne
que le système de communication de l’entreprise consiste en la traduction, par
l’encadrement, du langage des “choses”
et des faits (celui des opérateurs) en langage des chiffres et des résultats
financiers (celui des dirigeants) pour la prise des décisions stratégiques
et la gestion du long terme qu’il convient ensuite de faire exécuter. C’est
de la planification qui fonctionne de manière optimale quand la prévisibilité
est élevée.
Les niveaux hiérarchiques les moins élevés ont néammoins leurs
espaces de décision. Ils portent sur les flux d’objets et les interactions-clients,
concernent moins de monde et se résument à du court terme.
L’accélération du rythme des évolutions et l’imprévisibilité
qui caractérisent ces dernières années obligent à penser un modèle
qui permette une gestion optimale de l’aléatoire : laisser fluctuer de l’innovation
à tous les niveaux, dans tous les secteurs dans l’attente de l’oscillation autour
de celle qui sera sélectionnée par le marché.
L’ensemble des auteurs qui se sont penchés sur cette évolution du système
de décision11 soulignent le fait que c’est le meilleur moyen pour maintenir
un potentiel de motivation élevé chez les acteurs et favoriser la flexibilité.
LANDIER souligne que ce sont les environnements de l’entreprise qui évoluent
et que “...les vendeurs (au contact direct avec le marché),
les techniciens (au contact direct avec les nouvelles technologies et les problèmes
concrets à résoudre...), les acheteurs (en contact direct avec les fournisseurs),
les agents de production (en contact direct avec la matière et les problèmes
de transformation de la matière)” disposent tous
d’une somme d’informations dont ne dispose pas l’équipe de direction.
Au delà des modalités de transmission de ces informations, il y a là
matière à innovation limitée. PETERS décrit les cinq préceptes
qui doivent permettre de répondre à l’élévation des incertitudes
:
M. NEMOTO explique comment il s’est efforcé de mettre en place chez TOYOTA “une atmosphère favorisant les suggestions et la créativité” à partir de quelques principes simples :
Le patron n’est plus celui qui, les yeux rivés sur ses tableaux de bord, prend
des décisions et les fait appliquer mais celui qui définit un “espace de fluctuation adapté”
apte à permettre la généralisation/coordination des innovations les
plus performantes issues des périphéries.
Cela rejoint le modèle de l’Adhocratie popularisé par A. TOFFLER au début
des années 70, et développé par H MINTZBERG (13): “une structure
très organique avec peu de formalisation du comportement; une spécialisation
horizontale poussée basée sur la formation..... une utilisation importante
des mécanismes de liaison pour encourager l’ajustement mutuel...”, très proche de l’intraprenariat.
Ainsi que le préconise LANDIER “Tout en laissant jouer l’initiative à la
périphérie, le management aura donc un rôle fédérateur d’énergies
et une tâche de régulation”. Il rajoute que “L’organisation
de l’entreprise est donc directement issue de son processus de développement
et non l’inverse”, c’est à dire “qu’elle
repose sur le principe du foisonnement et non sur le respect d’un cadre prévu
à l’avance”.
Il met en évidence trois principes d’organisation du paradigme biologique:
Rajoutons-y un quatrième principe: une très forte
mémoire d’organisation qui soit adaptée à la complexité de l'organisation
et de ses rythmes d'évolution.
Au delà de l’écoute et de la participation, l’organisation moderne, en
environnements fluctuants libère l’innovation et la décision à l’intérieur
d’espaces et de procédures définis. Le modèle biologique de l’organisation
oblige à penser le développement et l’évolution en priorité,
les fonctionnements ordinaires et leurs aléas ne prenant tout leur sens qu’à
partir d’un processus innovation incontournable centré sur la qualité des
produits et services.... et donc sur les évolutions des environnements professionnels.
La stabilité (pensée, par une partie importante des personnels comme règle)
n’est en réalité que l’exception.
La culture, la mémoire de l’organisation doivent répondre à ces défis,
apporter la souplesse et l’adaptabilité nécessaires.... Un complément
en formation, au delà des évolutions managériales indispensables,
est la plupart du temps nécessaire pour la contruire, la maintenir, lui permettre
d’évoluer et en améliorer l’efficacité. Cela ouvre un immense champ
de recherche-action aux organismes de formation.
Concluons en rappelant que :
• Il est possible de modéliser une mémoire d’organisation, mémoire
à plusieurs niveaux et à plusieurs fonctions.
• Le processus de fabrication de cette mémoire va déterminer en grande
partie ce qui va être mémorisé et comment cela va l’être. Le
management est en première ligne dans ce processus.
• Un “code génétique”
d’organisation peut être mis en fabrication. Il aura pour fonction d’unifier
les interprétations qui seront faites des évènements, de donner du
sens sinon commun, au moins compatible à la poursuite et au développement
d’un projet global.
• L’organisation moderne, confrontée à l’élévation des incertitudes
et devant évoluer en permanence, ne peut mobiliser l’intelligence et les ressources
de ses membres qu’en déléguant une partie des pouvoirs de contrôle,
d’innovation, de décision qui étaient traditionnellement réservés
à la hiérarchie. La stabilité (en son sens de “fixité”) devient l’exception, l’évolution devient la règle. Une
partie importante du pilotage d’une organisation devient dès lors la gestion
des fluctuations internes dans l’espace duquel elle puisera les solutions aux nécessités
d’évolutions futures.
1- Pierre JARNIOU “L’entreprise
comme système politique” - PUF 81. Retour
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2- Jean LADRIERE “Les enjeux de la rationalité” - Aubier-Montaigne/UNESCO
77. Retour au texte
3- C. HAMPDEN-TURNER “La culture d’entreprise” - Seuil 92. Retour au texte
4- Edgar MORIN, “ La Méthode, 4. Les Idées” - Seuil 91.
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5- Jacques MELESE “Approche systémique des organisations” -
Ed. Hommes et techniques 83. Retour au texte
6- Hidéo INOHARA “Ressources humaines dans les entreprises
japonaises”. Retour au texte
7- citant H. PATTEE in “Les théories de la complexite”. Retour au texte
8- M. NEMOTO “Le TQC et le rôle du responsable d’entreprise”
- AFNOR Gestion 85. Retour au texte
9- P. SENGE “La cinquième discipline” - First 91. Retour au texte
10- Hubert LANDIER “L’entreprise polycellulaire”, EME 87. Retour au texte
11- JL LE MOIGNE " La théorie du système général"
- PUF , "La modélisation des systèmes complexes" AFCET Systèmes
- DUNOD 90. Retour au texte
12- J. JURAN “La Qualité dans les services” AFNOR Gestion-1987.
Retour au texte
13- Henry MINTZBERG “Structure et dynamique des organisations”
- Ed. d’Organisation 87. Retour au texte
1999