Une mémoire d'organisation ?

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1- Culture, Mémoire ?
2- Une mémoire d’organisation ?
3- Gérer des urgences et/ou des priorités
4- Assurer des fonctionnements ordinaires
5- Innover, se développer
6- Le système de décision
Concluons


Les années 80 ont vu apparaître le concept de
“culture d’entreprise”, voire même d’ “âme d’entreprise”. Des ouvrages se sont penchés sur sa description, ses modes d’élaboration, sa fonction. L’émergence du terme dans son application à l’entreprise est révélatrice de la nécessité de la penser autrement que comme une organisation mécanique. Reste que cette notion reste en grande partie “molle”, floue, relativement indéterminée et peu fonctionnelle. En effet, si l’on s’entend généralement sur le fait qu’une culture a du sens et en donne, peu de recherches avancent vers des modélisations opérationnelles, sinon quelques essais dans le sillage de P. JARNIOU (1).

Différence de fond d’avec la culture individuelle, la culture des sociétés humaines n’est pas fimalisée sinon par des discours (et des écrits) sur quelques grandes valeurs. Elle est auto-fabrication au gré des échanges et interactions, contraintes, émergences de besoins nouveaux et découvertes. Chaque culture nationale est un mélange subtil de valeurs, produits et codes locaux, de valeurs, produits et codes internationaux, d’histoire, d’avancées technologiques et scientifiques, et d’action politique..., avec souvent des spécificités régionales et locales. Au niveau d’une organisation professionnelle (privée ou publique), la culture à acquérir est, par contre, la plupart du temps nettement finalisée, souvent même sous forme d’objectifs normatifs. Elle définit des formes acquises de comportements et se fonde sur des supports sur lesquels sont inscrits, sous des formes variables (mythologies, lois, procédures...) les engrammes collectifs d’organisation

La culture d’entreprise a entre autres particularités aujourd’hui la volonté de se penser
“en rupture” d’avec les cultures dominantes des organisations professionnelles durant les années 70 et à produire de l’adaptation et de l’évolution permanente.


1- Culture, Mémoire ?-


La
“culture d’entreprise” telle qu’elle est définie, reste souvent peu explicite sur ses objectifs opérationnels et ses modes de fabrication, sinon par quelques recettes et l’invocation du charisme de “managers du XXIème siècle”.
Le concept de
“mémoire” nous semble plus opératoire.

•D’une part parce qu’il s’intègre conceptuellement dans la méthodologie systémique, garantissant une homogénéïté théorique avec les travaux sur l’organisation.
•D’autres part parce que les modélisations systémiques et l’analogie avec ce que nous savons de les mémoires biologiques nous permettent, sinon des outils, au moins l’ouverture de quelques pistes.

J. LADRIERE (2) développe: “La culture d’une collectivité peut être considérée comme l’ensemble formé par les systèmes de représentation, les systèmes normatifs, les systèmes d’expression et les systèmes d’action de cette collectivité”.
Pour l’auteur, ces différents système comprennent :

• Les systèmes de représentation: “...ensembles conceptuels et symboliques à travers lesquels les différents groupes tentent de s’interpréter eux-mêmes et d’interpréter le monde dans lequel ils sont immergés, et aussi les méthodes au moyen desquelles la collectivité s’efforce d’étendre ses connaissances et son savoir-faire.”
• Les systèmes normatifs:
“...comprennent tout ce qui relève des valeurs, sur la base desquelles sont appréciées les actions et les situations (...), et d’autre part tout ce qui relève des règles particulières au moyen desquelles sont organisés les systèmes d’action.”
• Les systèmes d’expression:
“...comprennent les modalités à la fois matérielles et formelles à travers lesquelles les représentations et les normes trouvent leurs projections concrètes.”
• Les systèmes d’action:
“... comprennent à la fois les médiations techniques (...) et les médiations proprement sociales à travers lesquelles la collectivité s’organise pour gérer son propre destin.”
Cette longue citation est nécessaire pour bien mettre en évidence qu’entre l’esquisse du concept de
“mémoire” et celle de “culture”, il y a au moins isomorphie.

Plus proche de notre objet du fait de la profession de son auteur, consultant, la définition que nous propose C. HAMPDEN-TURNER (3) rejoint la précédente : “La culture d’une organisation définit un comportement approprié, relie et motive les individus, et impose certaines solutions là où il y a ambiguïté. Elle gouverne la façon dont une entreprise traite l’information, ses relations internes et ses valeurs. Elle fonctionne à tous les niveaux, du subconscient au manifeste.”

Culture et mémoire possèdent un certain nombre de caractéristiques communes :

• Elles sont élaborées par des sujets actifs, capitalisant l’expérience.
• Elles comportent des valeurs, des axiomes, des hypothèses et induisent des règles de conduite et des modalités de régulation des comportements.
• Elles donnent du sens à des évènements, à des comportements et à des valeurs séparées.
• Elles conditionnent les interactions internes et externes de l’organisation-organisme, maintenant un équilibre fait de perpétuels déséquilibres plus ou moins bien rattrapés.
• Elles sont en perpétuelles évolutions à travers des mécanismes complexes.

E. MORIN rajoute (4) “... les individus ne peuvent former et développer leur connaissance qu’au sein d’une culture, laquelle ne prend vie qu’à partir des inter-rétroactions cognitives entre individus: les interactions cognitives des individus régénèrent la culture, qui régénère ces interactions cognitives.”.
C’est dire déjà la vanité de ceux qui pensent une culture d’entreprise fabriquée à partir de quelques opérations (en général assez onéreuses) de communication interne comportant le message du PDG. On arrive, dans ces situations, au même écart qui existe entre la culture officielle (versions STALINE, HITLER, ou KIM-IL-SUNG) et la culture réelle, écart qu’on est alors obligé de tolérer (sans en comprendre les causes), et l’apparition de contre-cultures souvent tout aussi aberrantes fonctionnellement. Cela expose à des réveils difficiles et souvent explosifs.
Le passage de la
“culture d’entreprise” à une “mémoire d’entreprise” complexe, commune, sous des formes différenciées à l’ensemble de ses acteurs, facilitant les performances, les apprentissages, les implications, la flexibilité, les développements, organisée/régulée par le système d’information élargi (officiel + officieux) tel que le décrit J. MELESE (5) offrirait aux différents consultants un support méthodologique plus cohérent. Il permet le transfert d’une représentation sur le mode mécanique de l’entreprise à une représentation en référence à un modèle biologique d’une manière moins incantatoire.
La mémoire étant intrinsèquement co-productrice de la réalité perçue et conçue, son importance est stratégique dans l’objectif d’optimisation de la ressource humaine.

Dès lors le Management (dans l’acception française du terme, c’est à dire essentiellement la gestion/animation des ressources humaines) devient:

L’ensemble des techniques permettant la constitution et la gestion d’une mémoire d’organisation professionnelle opérationnelle dans ses contextes à courts, moyens et longs termes.


2- Une mémoire d’organisation ?-


Les compétences professionnelles actuellement exigées d’un poste de travail dessinent l’objectif assigné à une mémoire d’organisation.

• Au départ, dans une logique taylorienne, le poste demande l’exécution d’un programme (en général simple) à partir d’un signal dénué d’ambiguïté.
• Le poste doit ensuite contrôler et rendre compte, sous des formes normalisées, de ses performances et de ses fonctionnements.
• Avec le passage progressif du produit au service, avec la remontée de la voix du client, le poste accepte de l’ambiguïté et nécessite donc des capacités d’analyse et de décision à l’intérieur d’un espace en principe relativement défini.
• La fin du travail en miettes impose, outre une certaine flexibilité (et donc une polyvalence certaine), une maîtrise, une capacité “d’action sur” les amonts et les avals du poste et donc des compétences communicationnelles ainsi que la capacité de travailler en équipe.
• Sous la pression de la concurrence et l’élévation de sa formation initiale, le simple exécutant est solidaire des résultats de son organisation, est capable de proposer des améliorations et donc possède une compétence pour analyser des processus plus globaux que sa simple tâche. Avec l’élargissement de l’espace de travail s’accroît encore l’exigence de flexibilité du temps et des rythmes.
• La complexification des demandes sociales diminue le travail en longues séries au bénéfice de séries courtes, voire
“sur mesure” dans une logique du “juste à temps” pilotée par la demande., élargissant la place du service dans le produit.
• La demande accrue de réactivité suppose une intégration plus complète dans le système d’information de l’organisation. Elle suppose de s’intéresser, de s’impliquer et de se motiver, d’aller chercher, de déchiffrer, d’analyser et d’interpréter.... les informations nécessaires à toutes ces nouvelles fonctions.
• Enfin, sous l’effet de l’accélération des rythmes d’évolution, l’occupant du poste de travail doit maîtriser les techniques du changement, apprendre à apprendre en permanence sous peine de décrocher et se morceler.

Le sous-système de mémorisation doit répondre aux besoins “primaires” du poste:

• Formalisation de la mission (raison d’être du poste) et des tâches (descriptions des actions) et fonctions du poste.
• Formalisation des objectifs et donc formalisation du dispositif de suivi et de contrôle des indicateurs d’activités et de performance.
• Formalisation des réactions aux anomalies et aux non-conformité, ainsi qu’aux urgences.

Afin que ces trois niveaux de formalisation aient un minimum d’efficacité, il est préférable que les personnels concernés aient été étroitement associés à leurs définitions.

Mais ne concevoir que ces fonctions revient à privilégier la reproduction à l’identique, à enraciner ces formalisations et à rendre toujours plus difficiles les changements, les évolutions et les innovations. Or nous savons qu’une des caractéristiques des organisations professionnelles modernes est l’accélération du rythme des changements qui leur sont nécessaires.

Schématiquement, une organisation doit :

• Assurer des fonctionnements “ordinaires”, survivre en environnement dénué d’incertitudes majeures,
• Gérer des urgences et/ou des priorités, survivre en environnement en partie aléatoire,
• Innover, se développer et développer de nouvelles activités, améliorer en permanence, se doter de nouveaux projets....

Ces trois types de fonctionnements (les deux premiers gérant la conservation et la régulation, le trosième l’évolution et le changement) obéissent à des logiques et induisent des types de traitement de l’information de natures différentes, avec des modes de gestion différents. Or, les membres d’une organisation ont tendance à ne se voir et ne se concevoir qu’à travers ce qu’ils font, reproduisant à l’identique. Dès lors, chaque changement significatif va puiser dans les réserves de redondance, fragilisant l’organisation et rendant plus difficile le changement suivant.
Le sous-système de mémorisation doit donc répondre, dans les organisations modernes, à un quatrième
“besoin” du poste: la diffusion et la facilitation de l’amélioration, du changement et de l’innovation au bénéfice des besoins du client, qui doit constituer une sorte de méta-concept , une sorte de code génétique éclairant et conditionnant en permanence les trois premiers. Nous verrons que cela influe sur le sous-système général de pilotage et de décision.

3- Gérer des urgences et/ou des priorités -

Lorsque je m’assois malencontreusement sur une chaise sur laquelle une punaise a été oubliée pointe en l’air, la sensation douloureuse est presque directement transmise aux faisceaux musculaires qui vont, sans analyse, ni réflexion, ni action volontaire de ma part, m’obliger à effectuer un bond en avant, généralement accompagné d’un cri.

Une urgence, en situation professionnelle obéit à ce type de logique, court-circuitant les procédures fixant les fonctionnements normaux. La gestion organisée des urgences suppose d’autres types de procédures et la définition stricte des signaux les déclenchant.
On prétend que
“ventre affamé n’a point d’oreilles”, ce qui signifie que lorsque les besoins fondamentaux de mon organisme sont en cause, le paléoencéphale active un certain nombre de comportements, mobilisant toutes les ressources de mon organisme pour la satisfaction obstinée de ce besoin prioritaire.
Lorsque les intérêts vitaux de l’organisation sont en cause, les procédures normales sont, là encore, court-circuitées. A partir des sous-systèmes spécialisés, toutes les activités, tous les comportements sont impérativement hiérarchisés par la défense de ces intérêts.

Dans les deux cas, ce qui caractérise ces situations peut se définir ainsi :

• Forte dépense d’énergie et forte dépense tout court,
• Perte momentanée dans la variété du système,
• Priorité à la rapidité,
• Forte charge émotionnelle qui marque durablement tous les fonctionnements ultérieurs,
• Hiérarchisation rigide. En organisation, une situation d’urgence ou de défense des intérêts vitaux, s’accompagne d’un management strict, tendu, autoritaire... dont on sait qu’il renforce par ailleurs des rigidifications et pertes d’adaptabilités.

La gestion des urgences, incontournable dans toute organisation vivante, appelle donc de la flexibilité, mais une flexibilité autoritaire. Cependant, en tant que telle, la “réaction d’urgence”, même si elle est efficace, n’évite pas les renouvellements.
Ma réaction à la punaise placée sur ma chaise ne m’empêchera pas de risquer la même mésaventure chaque fois que je voudrais m’asseoir. Elle ne me rendra pas plus intelligent voire, si elle se reproduit souvent, elle risque de produire une phobie.
Eviter ce risque suppose que je recule, que j’analyse à froid, que je fasse appel à toute mon expérience et que j’élabore une procédure de vérification préalable que j’applique systématiquement avant de m’asseoir.

La gestion autoritaire des urgences vraies
“pompe” dans les réserves de redondance organisationnelle. Elle ne sera supportable sur le long terme que si :

• Elle ne dépasse pas un certain pourcentage, un niveau acceptable de mon temps de travail.
• Elle se délègue à des services spécialisés.
• Elle s’accompagne ultérieurement de gratifications pour avoir accepté de bouleverser mes modes habituels de travail
• Elle se poursuit par un travail d’analyse en équipe, a-hiérarchique, qui permette d’éviter leur renouvellement soit :
•• par la définition de nouveaux signaux déclenchant automatiquement de nouveaux programmes, le tout intégré dans les procédures “ordinaires” en tant que procédures d’urgence.
•• par un ensemble de contrôles supplémentaires permettant une assurance accrue.

Le traitement des urgences, autoritaire et tendu, ne sera efficace à long terme que s’il s’accompagne de modalités de management résolument participatives, d’une disponibilité de l’encadrement et de:

• réunions de débriefing,
• point de l’ordre du jour des réunions hebdomadaires de régulation,
• groupes de travail et/ou cercles de Qualité ou groupes de Progrès.

L’oublier c’est, quelques soient les volontés individuelles, accepter à terme une dégradation forte de l’ambiance de travail et la rigidification des comportements individuels.

C’est l’analyse commune des urgences et des évènements extra-ordinaires, leurs causes et leurs traitements qui va installer, dans la mémoire commune qui devrait être présente chez tous les personnels (véritable code génétique de l’organisation, apporteur de sens), une modalité com-mune de traitement de l’information, marquant fortement et pouvant donner des sens compatibles avec les grandes valeurs affichées de l’organisation, (bien plus que de grands discours ou des dépliants luxueux). Le fait que ces évènements soient à forte charge émotionnelle et à fort investissement énergétique, le passage d’un fonctionnement autoritairement hiérarchisé à un moment de réflexion dans lequel l’opinion de chacun est également prise en compte (mise en redondance des “éléments”) est un contexte qui va favoriser l’émergence d’une véritable mémoire commune opérationnelle.
Le travail des groupes de travail ou des cercles de qualité va être de traiter ces irrégularités (une urgence est toujours une irrégularité par rapport aux fonctionnements ordinaires) par la détermination des régularités qui les sous-tendent: régularités de lieux (Où?), de temps (Quand?), de formes (Comment?), de responsabilités (Qui?)...

Il en va de même lorsque sont en cause les intérêts vitaux de l’entreprise et où chacun, à tort ou à raison, a l’impression d’en faire les frais principaux.
H. INOHARA
(6) explique comment, en cas de difficultés graves, le premier réflexe de l’entreprise japonaise est, après avoir joué sur les primes et bonus de toutes sortes, de réduire d’abord le salaire des cadres dans des proportions allant de 10 à 20%. Cela a pour effet de recharger en redondance, de montrer aux opérateurs (aux salaires moins élevés) la réalité de la solidarité d’un réel projet d’entreprise, pour le pire comme pour le meilleur. Que dire alors des entreprises qui licencient par surprise ou avec un préavis de 48 heures..! Le management participatif ne peut se borner à la mise en place de quelques cercles de qualité. Il englobe les différentes formes de participation aux bénéfices comme aux risques.

4- Assurer des fonctionnements ordinaires-

Ce sont ceux qui règlent les fonctionnements codifiés à l’intérieur des champs délimités par les descriptions de postes et fonctions, à partir de signaux déclencheurs de processus. Le degré d’appropriation de ces programmes d’actions par les opérateurs va déterminer en grande partie leur efficacité. En effet, le bon déroulement d’un programme-processus est inséparable de:

• l’interprétation des signaux,
• la mise en œuvre des modalités de contrôle, et les auto-régulations à l’intérieur d’un champ défini à priori,
• l’alerte des niveaux supérieurs dès que les anomalies sortent du champ pré-défini.

S’ils sont formalisés (bible des procédures, cahier des charges, spécifications diverses, Manuels d’Assurance Qualité, normes, descriptions de postes et fonctions...), décrivant ce qui se fait afin de faire ce qui est écrit (et de la vérifier), ils sont comparables aux programmes et concepts emmagasinés dans les plis et couches du néo-cortex. Leur application correcte, quelles que soient leurs qualités intrinsèques, va dépendre en grande partie de la perception qu’en ont les opérateurs, de la manière dont ils ont vécu leur mise en place et dont ils sont gérés.

Les écarts entre les prestations découlant du déroulement de ces programmes et les objectifs seront de deux ordres :

• Ceux entrant dans la fourchette des réactions du poste de travail,
• Ceux necessitant l’intervention de personnes extérieures au poste (hiérarchie ou autre service).

Comme le souligne V. HAVELANGE (7): “sans autodescription, les organisations complexes tendent à se détériorer dans leurs fonctionnements et ne peuvent évoluer sous la pression de leurs interactions avec l’environnement”.

L’actualisation de la description des tâches associant étroitement les opérateurs s’opère normalement à plusieurs reprises :

• Lors des entretiens annuels d’évaluations ou de progrès(s’ils méritent réellement leur nom)
• Lors des réunions hebdomadaires de régulation
• Lors des réunions-bilans
• Lors du
“job description”.
• A l’issue des propositions des groupes de travail ou des cercles de qualité.
•La description du poste doit balancer :
•• Entre une approche en flux (centrée sur les relations client-fournisseur internes) et une approche analytique (centrée sur ses exigences propres).
•• Entre une description des fonctionnements et l’explicitation des objectifs (qualitatifs et quantitatifs) à atteindre.
•• Entre les comportements généraux attendus de tous les personnels de l’organisation, leurs aptitudes et ceux plus spécifiques au poste.
•• Entre les comportements normalement attendus et ceux qui sont espérés.

Elle doit ausi s’ouvrir sur les évolutions prévisibles du poste.

Elle peut se traduire par une Fiche d’Evaluation, servant de support à l’entretien annuel d’évaluation, à trois niveaux :

• comportements généraux,
• tâches spécifiques,
• objectifs.

Une procédure, une fiche de poste sont, dès qu’elles ont été bâties, des objectifs qualitatifs à atteindre. Leur formalisation doit donc répondre aux caractéristiques d’un objectif: Observables, mesurables, univoques et surtout rédigés en langage utilisateur. Le plus sûr moyen de l’univocité est dans la participation des acteurs à leurs formalisation. En outre, nous avons souligné, dans le chapitre sur la mémoire, que la manière dont est vécue l’interaction (gratifiante ou non) va cadrer une mémorisation adaptée ou non. Les mécanismes d’élaboration et d’actualisations des diférentes formalisations sont alors partie intégrante du système d’information de l’organisation et garantissent (ou non) une mémoire d’organisation opérationnelle à tous.
Reste qu’une formalisation (procédure d’action ou description de fonction) doit s’apparenter davantage à un contrat, à un accord sur des règles du jeu (le fait qu’elles soient strictes ne doit pas les empêcher d’être dotées d’une certaine souplesse, de jeu), qu’à une règle intangible. Dans leur définition, la description de leurs modalités d’évolution est aussi importante que la prescription elle-même.
La problématique systémique de la communication nous montre qu’un message peut être renforcé ou disqualifié par son contexte métacommunicationnel.

Il en va de même en ce qui concerne les procédures et formalisations diverses. Leur application correcte va dépendre de la perception qu’en ont les acteurs à l’intérieur d’une fourchette qui va de :

• la mise en place de procédures bureaucratiques autoritaires et déresponsabilisantes
• à la constitution d’une ossature commune.


5- Innover, se développer-

Comme la Fête dans la société traditionnelle, moment fort de régulation sociale, les moments extra-ordinaires dans la vie d’une organisation sont ceux (hors conflits) :

• où la production proprement dite s’arrête,
• où ceux qui écoutent et exécutent se font écouter et proposent,
• où les hiérarchies, si elles ne s’inversent pas forcément, se décentrent (l’animateur d’une réunion de travail peut ne pas être le supérieur hiérarchique),
• où d’autres activités fortement structurées et symboliquement représentatives des fonctionnements ordinaires sont développées.

Ces mécanismes sont, par ailleurs, proches de la structure du sommeil paradoxal, celui du rêve, dont la plupart des spécialistes soulignent l’importance dans les processus de mémorisation.
Comme on le voit, sont décrits ici tous les moments forts de la communication/régulation professionnelle, ceux où la variété fonctionnelle s’efface et où se rechargent les réserves de redondance, ceux où la coopération prend le pas sur l’exécution autoritaire et où s’enracinent des valeurs (si l’écart entre les
“dits” et les “faits” ne sont pas trop important et si l’exemplarité des comportements des hiérarchies est réelle)..Elles supposent un management participatif, ouvert (et disponible), balladeur..! M. NEMOTO (8), dans un ouvrage exécrablement traduit, insiste sur le fait que ces moments doivent impérativement “donner la parole à tous”, avec les mêmes droits et le même a-priori de compétences et d’intelligence.

Il en existe, en organisation professionnelle, toute une variété de ces moments qu’on peut classifier à partir de deux variables :

• leur éloignement des situations de travail réelles, le degré d’abstraction-symbolisation avec lequel vont être posées les analyses des fonctionnements professionnels,
• l’inversion des hiérarchies.

A partir de ces deux axes, peuvent se décrire les principaux types de réunions :

• Les courtes réunions hebdomadaires de régulation: animées par le N+1 (supérieur hiérarchique) et centrées sur les problèmes factuels rencontrés
• Les réunions-bilans, plus espacées, toujours animées par le N+1, mais centrées sur l’analyse des tableaux de bord d’équipe
• Les réunions extraordinaires d’information, à l’occasion d’un évènement, où en général, la ligne hiérarchique est écrasée par l’intervention directe, auprès des opérateurs, des plus hauts dirigeants de l’organisation
• Les groupes de travail ou les groupes-projet, avec un animateur spécifique, sur un thème imposé par les hiérarchies
• Les cercles de qualité ou de progrès, avec un animateur spécifique, où l’initiative de l’innovation vient des opérateurs.
• Les évènements et
“fêtes”, sous toutes leurs formes, dès qu’ils sont intégrés dans des stratégies de management..



Très souvent, trop souvent, ces moments sont lamentablement gérés et fabriquent alors autant de conflits et de mépris qu’il ne résolvent de problèmes. La nécessité et la possibilité d’une gestion efficace de ces périodes de communication est d’apparition relativement récente. Ce n’est que vers la fin des années 70 que le problème s’est réellement posé en France. Ce n’est que vers la fin des années 80 que la plupart des Ecoles d’ingénieurs ont intégré, dans leurs cursus, des séquences consacrées au management et aux techniques de communication et d’animation d’équipes.

Ces compétences sont pourtant indispensables à la polyvalence de l’acteur d’une organisation professionnelle moderne, d’autant plus qu’il est appelé à s’élever dans la ligne hiérarchique. P. SENGE
(9) , dans le chapitre “Apprendre en équipe” de son ouvrage insiste sur l’importance stratégique de ces capacités et apporte un éclairage original sur les techniques aptes à fabriquer un groupe de production efficace.


Sans entrer dans une idéalisation des cercles de Qualité (en fait simple transfert hiérarchiques de quelques compétences, dans le cadre d’un rituel strict), H. INOHARA souligne qu’ils fonctionnent actuellement dans plus de 60% des entreprises nippones et, dans 70% de ces entreprises, ils concernent tous les employés et toutes les unités fonctionnelles. Tous les sondages menés auprès d’employés et cadres utilisant le travail en groupe restreint insistent sur l’amélioration de compétences spécifiques relatives à ce qu’on peut définir comme la capacité à fabriquer en continu de la redondance organisationnelle, lubrifiant essentiel de la flexibilité. Ces capacités devenant un méta-code dans l’analyse, par tous les personnels, des perturbations les plus diverses.

Comme le souligne H. LANDIER
(10), l’esprit d’entreprise “doit être une qualité de l’ensemble des parties constitutives de l’entreprise et non des seuls individus qui en forment la direction”, un véritable code génétique, formalisant de véritables “espaces d’autonomie” et de décision dans le cadre d’un projet d’ensemble régulé en tant que tel.

• La réaction aux urgences, comme l’arc-réflexe, conserve son autonomie d’action/réaction. Elle suppose un management très directif privilégiant la réactivité, court-circuitant les procédures ordinaires et pour lequel le hiérarchique “commande”. Si ces situations dépassent les 8 à 10% des actes de management, elles atteignent un niveau critique qui pose le problème d’une évolution de certaines modalités d’organisation.
Leur analyse, comme le traitement des autres tableaux de bord est exploité participativement. Le tout étant centralisé/synthétisé dans les
“bibles de procédures” (procédures diverses, MAQ, descriptions de postes, objectifs...).
• Les comportements en situation “normales” est en principe sous contrôle et fixé dans des procédures. Il est, en principe, intériorisé par chacun des acteurs. Dans ces situations, s’exprime un management directif (il y a des règles et des objectifs assignés), mais qui n’est pas direct, médiatisé par la bible des procédures (ou les Manuels Qualités). Ces situations exigent, pour être durablement efficace, un souci constant de l’information des acteurs. Elles couvrent 60 à 80% des actes de management et sont analogues au déroulement d’actions pré-programmées dans le système nerveux central.
• Les situations du bas de la pyramide (management participatif), devraient recouvrir 10 à 30% des actes du management. Ce sont elles qui diffusent l’intelligence de l’entreprise (au sens de l’intelligence des mecanismes) à l’ensemble des acteurs. Ce sont elles qui ont la charge d’un changement voulu, accepté par tous equi soit finalisé par l’amélioration et le développement.

Restera la gestion des incontournables “trous noirs” du système, espaces opaques et irrationnels où s’épanouissent les irrationalités sociales et environnementales. JL LEMOIGNE (11) préconise pour cela le “phénomène cafétaria”, lieu d’échanges informels et aléatoires où se centralisent les bruits et rumeurs, où s’expriment les doutes et rancœurs, méta-régulateur du système de communication interne par les “informations” qui en remontent.

6- Le système de décision.

Il est classiquement décrit comme central et au sommet de la ligne hiérarchique. Il compute essentiellement des informations symboliques provenant du codage en ratios divers et en budgets ou en résultats financiers les différentes activités de l’organisation.
J. JURAN
(12) souligne que le système de communication de l’entreprise consiste en la traduction, par l’encadrement, du langage des “choses” et des faits (celui des opérateurs) en langage des chiffres et des résultats financiers (celui des dirigeants) pour la prise des décisions stratégiques et la gestion du long terme qu’il convient ensuite de faire exécuter. C’est de la planification qui fonctionne de manière optimale quand la prévisibilité est élevée.

Les niveaux hiérarchiques les moins élevés ont néammoins leurs espaces de décision. Ils portent sur les flux d’objets et les interactions-clients, concernent moins de monde et se résument à du court terme.
L’accélération du rythme des évolutions et l’imprévisibilité qui caractérisent ces dernières années obligent à penser un modèle qui permette une gestion optimale de l’aléatoire : laisser fluctuer de l’innovation à tous les niveaux, dans tous les secteurs dans l’attente de l’oscillation autour de celle qui sera sélectionnée par le marché.
L’ensemble des auteurs qui se sont penchés sur cette évolution du système de décision11 soulignent le fait que c’est le meilleur moyen pour maintenir un potentiel de motivation élevé chez les acteurs et favoriser la flexibilité.
LANDIER souligne que ce sont les environnements de l’entreprise qui évoluent et que
“...les vendeurs (au contact direct avec le marché), les techniciens (au contact direct avec les nouvelles technologies et les problèmes concrets à résoudre...), les acheteurs (en contact direct avec les fournisseurs), les agents de production (en contact direct avec la matière et les problèmes de transformation de la matière)” disposent tous d’une somme d’informations dont ne dispose pas l’équipe de direction.

Au delà des modalités de transmission de ces informations, il y a là matière à innovation limitée. PETERS décrit les cinq préceptes qui doivent permettre de répondre à l’élévation des incertitudes :

1 Une réponse obsessionnelle aux besoins et attentes des clients et donc une “porosité” de toute l’entreprise à tout ce qui entoure ses clients.
2 Une innovation constante dans tous les domaines de l’entreprise, même au prix de l’échec de certaines.
3 Un esprit de partenariat entre tous pour gagner une totale adhésion aux objectifs.
4 Une passion du changement chez les dirigeants et une capacité à rallier les hommes autour d’une vision inspiratrice.
5 Des tableaux de bord simples mais capables d’assurer à la fois un pilotage efficace et un partage de l’information.

M. NEMOTO explique comment il s’est efforcé de mettre en place chez TOYOTA “une atmosphère favorisant les suggestions et la créativité” à partir de quelques principes simples :

• Que les chefs entreprennent eux-mêmes des améliorations.
• Qu’ils s’intéressent aux améliorations provenant de leurs subordonnés.
• Ne jamais dire “une pareille amélioration est banale ou déjà dépassée”.
• Décréter que les améliorations sont inépuisables.
• Ecouter le récit des améliorations manquées de ses subordonnés.


Le patron n’est plus celui qui, les yeux rivés sur ses tableaux de bord, prend des décisions et les fait appliquer mais celui qui définit un
“espace de fluctuation adapté” apte à permettre la généralisation/coordination des innovations les plus performantes issues des périphéries.
Cela rejoint le modèle de l’Adhocratie popularisé par A. TOFFLER au début des années 70, et développé par H MINTZBERG
(13): “une structure très organique avec peu de formalisation du comportement; une spécialisation horizontale poussée basée sur la formation..... une utilisation importante des mécanismes de liaison pour encourager l’ajustement mutuel...”, très proche de l’intraprenariat.


Ainsi que le préconise LANDIER “Tout en laissant jouer l’initiative à la périphérie, le management aura donc un rôle fédérateur d’énergies et une tâche de régulation”. Il rajoute que
“L’organisation de l’entreprise est donc directement issue de son processus de développement et non l’inverse”, c’est à dire “qu’elle repose sur le principe du foisonnement et non sur le respect d’un cadre prévu à l’avance”.

Il met en évidence trois principes d’organisation du paradigme biologique:

• L’efficacité d’une organisation est liée à la richesse de son réseau de communication interne auto-organisé par son développement.
• Entre un élément et un autre, il existe, vu le maillage du réseau, une multitude de chemins possibles. Cela garantit une souplesse et une adaptabilité des communications internes.
•Dans une organisation vivante, un
“composant” jouit d’une certaine autonomie par rapport à l’ensemble de l’organisme, constituant, une sorte de “micro-entreprise”. Les différents sous-ensembles doivent bénéficier d’une autonomie proportionnelle à leur efficacité.

Rajoutons-y un quatrième principe: une très forte mémoire d’organisation qui soit adaptée à la complexité de l'organisation et de ses rythmes d'évolution.

Au delà de l’écoute et de la participation, l’organisation moderne, en environnements fluctuants libère l’innovation et la décision à l’intérieur d’espaces et de procédures définis. Le modèle biologique de l’organisation oblige à penser le développement et l’évolution en priorité, les fonctionnements ordinaires et leurs aléas ne prenant tout leur sens qu’à partir d’un processus innovation incontournable centré sur la qualité des produits et services.... et donc sur les évolutions des environnements professionnels. La stabilité (pensée, par une partie importante des personnels comme règle) n’est en réalité que l’exception.
La culture, la mémoire de l’organisation doivent répondre à ces défis, apporter la souplesse et l’adaptabilité nécessaires.... Un complément en formation, au delà des évolutions managériales indispensables, est la plupart du temps nécessaire pour la contruire, la maintenir, lui permettre d’évoluer et en améliorer l’efficacité. Cela ouvre un immense champ de recherche-action aux organismes de formation.



Concluons en rappelant que :


• Il est possible de modéliser une mémoire d’organisation, mémoire à plusieurs niveaux et à plusieurs fonctions.

• Le processus de fabrication de cette mémoire va déterminer en grande partie ce qui va être mémorisé et comment cela va l’être. Le management est en première ligne dans ce processus.

• Un
“code génétique” d’organisation peut être mis en fabrication. Il aura pour fonction d’unifier les interprétations qui seront faites des évènements, de donner du sens sinon commun, au moins compatible à la poursuite et au développement d’un projet global.

• L’organisation moderne, confrontée à l’élévation des incertitudes et devant évoluer en permanence, ne peut mobiliser l’intelligence et les ressources de ses membres qu’en déléguant une partie des pouvoirs de contrôle, d’innovation, de décision qui étaient traditionnellement réservés à la hiérarchie. La stabilité (en son sens de
“fixité”) devient l’exception, l’évolution devient la règle. Une partie importante du pilotage d’une organisation devient dès lors la gestion des fluctuations internes dans l’espace duquel elle puisera les solutions aux nécessités d’évolutions futures.

1- Pierre JARNIOU “L’entreprise comme système politique” - PUF 81. Retour au texte
2- Jean LADRIERE “Les enjeux de la rationalité” - Aubier-Montaigne/UNESCO 77.
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3- C. HAMPDEN-TURNER “La culture d’entreprise” - Seuil 92.
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4- Edgar MORIN, “ La Méthode, 4. Les Idées” - Seuil 91.
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5- Jacques MELESE “Approche systémique des organisations” - Ed. Hommes et techniques 83.
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6- Hidéo INOHARA “Ressources humaines dans les entreprises japonaises”.
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7- citant H. PATTEE in “Les théories de la complexite”.
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8- M. NEMOTO “Le TQC et le rôle du responsable d’entreprise” - AFNOR Gestion 85.
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9- P. SENGE “La cinquième discipline” - First 91.
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10- Hubert LANDIER “L’entreprise polycellulaire”, EME 87.
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11- JL LE MOIGNE " La théorie du système général" - PUF , "La modélisation des systèmes complexes" AFCET Systèmes - DUNOD 90.
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12- J. JURAN “La Qualité dans les services” AFNOR Gestion-1987.
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13- Henry MINTZBERG “Structure et dynamique des organisations” - Ed. d’Organisation 87.
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1999