Eléments de problématique pour l’ingénierie en formation d’adultes
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“..., le contenu d’une idée importe moins que sa conduite....”
M. SERRES - ”Le tiers-instruit”

1- Les 3 partenaires de la formation d'adultes
2-Les postulats de base
3 -Des objectifs-
4- Objectifs et évaluation-
5- L’investissement-formation-
Concluons
Notes et renvois

1-Les trois partenaires de la formation d’adultes-
Les caractéristiques du déroulement d’une action de formation sont toujours co-définies par:

• Un donneur d’ordres, qui est la plupart du temps le financeur direct ou indirect, fixant les objectifs assignés à l’action et définissant les grandes lignes des déroulements attendus.
• Un dispensateur ou organisme de formation qui a la responsabilité de la mise en œuvre.
• Des apprenants , participants à la formation.


Dans certains cas, et notamment lorsque certains organismes publics de formation fonctionnent en dotation globale, financeur et formateur sont confondus, moyennant un contrôle de la puissance publique. Pour d’autres, et notamment lorsque le formateur travaille avec des
“individuels payants”, financeur et apprenant sont identiques. Cependant, dans toute action de formation, ces trois co-processeurs existent, avec des intérêts à la fois communs et distincts, au moins par leurs hiérarchisations.

11- Le financeur- Il se met en action lors de la détection d’un écart, d’un problème interne à l’organisation, l’organisme ou le champ social dont il a la charge. S’adjoignant d’éventuels concours appropriés, il analyse cet écart et ses composantes pour éventuellement faire le choix d’un investissement-formation pour y répondre.
Ce sont toujours des objectifs socio-professionnels, des besoins de compétences propres à une organisation, et/ou une collectivité qui finalisent une action de formation, qui déterminent son cahier des charges et qui définissent les objectifs de formation proprement dits. Ce qui induira des attentes particulières:

• Le financeur en formation n’est pas uniquement client. C’est une particularités de certains services, il est intrinsèquement co-producteur de la performance. S’il ne remplit pas correctement ses fonctions, il induira une action de formation de piètre qualité.
• Il exigera le respect du cahier des charges qu’il a contribué à établir ou qu’il a validé et veillera d’abord à l’atteinte des objectifs socio-professionnels qui l’ont fait réagir. Il aura besoin d’évaluer le transfert des acquis de formation en situations réelles, ce qui suppose une évaluation retardée, sur site, de l’opérationnalité du tranfert des acquis.
• Soucieux de ses personnels, il sera sensible à la manière dont les apprenants auront vécu et apprécié l’action de formation.
• Il sera très sensible aux coûts proposés par l’organisme formateur.
• Il aura tendance à privilégier un organisme de formation qui le rassurera sur l’étendue du risque qu’il prend.

Le produit de formation, pour le financeur, consistera uniquement en la somme des différents compte-rendus d’exécution et des évaluations. La distance entre l’acheteur et le produit est une des plus élevée qui soit. La qualité du système de suivi et de contrôle, sa communicabilité sont donc partie prenante de la qualité de la relation entre l’acheteur et l’organisme formateur.

12- L’apprenant- Il intervient plus tard dans les déroulements, dès le début de l’action proprement dite. Les travaux actuels sur l’apprentissage le montrent indispensablement producteur de ses propres savoirs (nous essaierons de le démontrer lorsque nous aborderonsitre sur la mémoire) et donc intrinsèquement lui aussi, co-producteur, co-auteur du produit de formation.
Les objectifs que l’apprenant assigne à une formation lui sont propres et quasiment toujours en décalage (plus ou moins important) avec ceux du financeur. Si ce financeur est le chef d’entreprise ou d’un service public, plus la communication interne et le climat social seront dégradés et plus cet écart sera important. Il en est de même au plan d’une collectivité sociale: plus les apprenants seront à capitaux culturel, financier, relationnel..., faibles, plus ils seront marginalisés par rapport à cette collectivité et plus l’écart entre leurs objectifs et ceux de la formation sera, au départ, important. Une phase préalable d’explicitation et de négociation des objectifs de la formation est donc un pré-requis nécessaire.

L’apprenant est au centre de la production de la formation et de la qualité de ses résultats. Un souci d'efficacité minimum suppose donc un positionnement, une analyse fine des compétences dont il faudrait qu'il fasse preuve à l’entrée en formation, et par la suite une individualisation de l’intervention des formateurs, une adaptation aux particularités de l’apprenant, en accompagnement d’une démarche de consruction de ses propres savoirs et savoirs-faire, de son propre projet de formation.

L’apprenant sera sensible à la manière dont il est traité, aux “égards” qu’il reçoit, à l’image de lui-même que lui renvoie l’organisme de formation à travers notamment:

• Son accueil, son cadre, ses supports,
• Les capacités communicationnelles de ses intervenants,

Il sera très attentif à l’ambiance générale et à la dynamique du groupe d’apprenants. Enfin, bien entendu, la disponibilité de l’organisme à ses besoins, l’atteinte des objectifs de formation, la conformité des déroulements à ce qui était annoncé, le degré de transférabilité des acquis en contexte professionnel seront les éléments constitutifs de sa satisfaction.

13- L’organisme de formation- Il pourrait n’être vu que comme un simple maître d’œuvre, dans l’application des instructions décrites dans le cahier des charges fixé par le financeur. Cependant, il devra traduire ces données (du cahier des charges de la demande,externe) en cahier des charges de la formation (interne), décrivant l’ensemble des actions qui vont permettre d’atteindre les objectifs socio-professionnels assignés et intercalant des objectifs proprement de formation.
Il aura à
“mettre en scène”, et à faciliter l’acquisition (et non pas à transmettre) des capacités (1) et des compétences (2), mesurables en performances, à des apprenants variés dont il ne maitrise pas l’ensemble des variables.
Sa responsabilité débute à l’entrée des apprenants dans le cursus de formation et se termine dès sa sortie, même s’il peut (c’est même fort souhaitable) intervenir plus tard, dans l’analyse du transfert (mise en œuvre) et de la mobilisation des acquis en contexte professionnel. A lui de développer les activités et les services complémentaires, dépassant les demandes explicites pour satisfaire les besoins. La mise en œuvre de la norme AFNOR X 50-761, qui décrit le service et ses prestations associées en formation professionnelle est une référence qui évitera les principales sources de non-qualité.

Cette représentation tripartite permet de dépasser la simple relation client-fournisseur linéaire classique pour poser un ensemble d’interactions et une gestion des flux qui “fasse système”. Nous voyons que la formation est un produit complexe qui exigera une approche Qualité à la hauteur de sa complexité.

L’ensemble du dispositif doit pouvoir se décliner à travers un référentiel Espace-Temps-Forme permettant de regrouper un maximum d'indicateurs qualité.:

Qui, avec Qui, fait Quoi, avec Quoi, Où, Comment, Quand et en Combien de temps, pour Combien?

L’indicateur principal de performance du système est le niveau de performances (défini à partir des objectifs assignés) atteint par les apprenants en sortie. Sur cet indicateur principal se greffent les diverses analyses d’écarts et de rentabilité.

Un produit de formation est une performance objectivée réalisée ou réalisable par un apprenant en sortie.

Contrairement aux anciennes représentations dans lesquelles l’apprenant n’était qu’une matière d’œuvre façonnée par un formateur-opérateur, cette définition induit un apprenant-opérateur de performances qu’il convient de placer au sommet du processus, par une opération de partenariat exemplaire.
Etant donné l’extrême variété de pratiques et d’objectifs que recouvre le terme de
“formation d’adultes”, hors les organismes qui reproduisent des formations sur catalogue, ce sont à chaque fois des conceptions originales qui sont mises en œuvre, “sur mesure” et cela nécessite un solide dispositif pré-établi pour assurer (au sens qualité du terme) les fonctionnements et les résultats.

La qualité d’une opération de formation proprement dit, à supposer que l’analyse des besoins et la traduction de ces besoins en cahiers des charges aient été correctement effectuées va, dans les faits, supposer :

- La conformité aux diverses règlementations et aux données des cahiers des charges.
- La conformité aux différentes formalisations et éventuels contrats propres à l’organisme de formation, les exceptions étant prévues et traitées dans le cadre de la gestion des anomalies et non-conformités.
- L’atteinte significative des objectifs de formation, mais, à travers eux celle des objectifs socio-professionnels assignés à la formation.
- Une satisfaction significative des apprenants et du financeur.
- Dans le cadre d’une économie générale compatible avec les prix du marché et d’une saine gestion.

La formation s’inscrit au sein d’un processus de production. Mais ce produit est constitué par une prestation de services immatériels, avec des caractéristiques qui la démarquent nettement d’une production matérielle. De plus, hors les développements encore marginaux des formations à distance, une des zones les plus critiques de ces processus tient à la somme d’interactions de communications interpersonnelles qui les composent, avec toute l’opacité qui couvre encore ces champs d’activités.

2 -Les postulats de base-

L’ingénierie de la formation, selon la norme AFNOR X50-750 est un:

“Ensemble de démarches méthodologiques articulées. Elles s’appliquent à la conception de systèmes d’actions et de dispositifs de formation pour atteindre efficacement l’objectif fixé. L’ingénierie de formation comprend l’analyse des besoins de formation, la conception du projet formatif, la coordination et le contrôle de sa mise en œuvre et l’évaluation des effets de la formation”.

Cependant, la formation consiste essentiellement en un processus d’apprentissage non-mécanique, exigeant notamment une participation-implication intense de l’apprenant ainsi qu’une somme de réflexions, décisions, cheminements, pauses, retours, interagissant entre eux, nécessitant du temps, revenant à la formulation du problème..., utilisant des processus logiques variés et aboutissant à la mise en mémoire, sur un mode plus ou moins opérationnel d’informations en principe utiles pour des réutilisations futures. Les processus de l’apprentissage sont encore en grande partie opaques mais, puisqu’ils constituent le noyau dur de la production de formation, nous devons essayer au moins d’en proposer une définition, plus lourde que celle de la norme AFNOR X50-750 mais plus adaptée à notre problématique:

"Succession emboîtée de décisions, en interactions mutuelles dans le temps et l’espace, mobilisant des ressources issues de champs d’expérience individuelle variés, aboutissant à une intégration en mémoire de modifications des compétences de perceptions et/ou de représentations, et/ou des compétences de conception, et/ou des compétences d’actions motrices et/ou intellectuelles d’un individu pour une amélioration des résultats futurs de ses interactions avec des environnements à priori définis."


Cette définition, lourde, ne constitue pourtant qu’une première approximation de la réalité de ce phénomène complexe qu’est l’apprentissage chez des systèmes humains. Elle a au moins le mérite de poser une partie des problèmes qui se posent au cours d’une situation d’apprentissage.

• Succession... Et donc processus. Tout apprentissage peut être appréhendé en processus.
• De décisions.... Celles de l’individu face à une situation-problème pour choisir ses cheminements et ses techniques. Ce sont des décisions qui sous-tendent toute démarche d’analyse et d’interprétation. Elles suposent donc des critères implicites ou explicites et elles se conditionnent mutuellement.
• Des compétences ... Réelles (et donc mesurables en performances) ou constituant des hypothèses sur des possibilités ultérieures de transfert à des situations douées d’une marge de variété plus ou moins importante par rapport à celle où a été validée la compétence.
• De perception et/ou de représentation... Les capacités caractéristiques de décodage-codage des Entrées de la boîte noire que constitue le système nerveux central.
• De conception... Les capacités du système nerveux central à computer des signes et symboles (l’information).
• D’actions motrices et/ou intellectuelles... Les capacités caractéristiques des sorties observables de la boîte noire.
• Une amélioration des résultats futurs... Une finalité mesurable par un différentiel.
• Ses interactions avec des environnements à priori définis.. Une finalité socio-professionnelle et donc une hypothèse de transfert.

Former, c’est prendre en charge, accompagner, programmer, réguler et valider cette fabrication à priori complexe. Le concept de formation d’adultes recouvre un éventail de formes et d’objectifs qui rend nécessaire la définition d’un certain nombre de points.

2.1- Les besoins en formation n’existent que dans l’écart, le différentiel entre un état donné des ressources humaines à un moment M1 et des demandes (ou objectifs) sociales, professionnelles, économiques, individuelles, institutionnelles..., pour un moment M2. Ils se situent dans l’écart entre un potentiel humain disponible et un potentiel humain nécessaire à l’atteinte d’objectifs externes à l’action de formation.

2.2- Le processus d’élaboration et la qualité du cahier des charges d’une (de chaque) action de formation sont essentiels à l’assurance
(3) de cette formation.

2.3- La formation est un processus à finalités multiples et imbriquées qui s’adresse à des individus globaux et qui va s’évaluer par une mesure de l’adéquation entre les comportements exhibés par les apprenants et les situations proposées par le formateur. Elle ne peut donc se réduire à la simple transmission d’un programme d’enseignement. La technique doit prendre en compte les caractéristiques comportementales et cognitives des apprenants.

2.4- Si La formation est un concept vague, L’évaluation l’est aussi. De l’évaluation des pré-requis aux contrôles continus... du test final à l’évaluation de la satisfaction des apprenants... de l’évaluation des comportements à celle des performances... C’est toute une batterie d’indicateurs qu’il est nécessaire d’organiser ensemble. La Loi de la variété requise d’ASHBY
(4) exige une variété et une complexité du système d’évaluation à la hauteur de celle du concept de formation.
Si l’on accepte l’idée que les objectifs d’une formation (et non pas les objectifs de formation) lui sont extérieurs, nous sommes obligés de poser la nécessité d’un suivi et d’une évaluation retardée mesurant l’opérationnalité du transfert en situation socio-professionnelle.

2.5- Si l’on développe le concept d’investissement-formation, il devient-nécessaire de mesurer le retour d’investissement en terme de coûts A quel coût revient la réussite d’un apprenant à un examen ou à un concours ? Cette question permet de tempérer certains résultats apparemment brillants et d’en rehausser d’autres qui le semblent moins.

2.6- La formation de personnels d’organimes privés ou publics va en principe amener de nouvelles compétences, de nouvelles informations dans une organisation. Il est indispensable de poser à priori les conditions optimales d’intégration de cet investissement:.
Combien de “formations informatiques” ont vu leurs participants attendre 2 ans ou plus avant de pouvoir toucher à nouveau un micro-ordinateur (et donc voir s’éroder la quasi-totalité de leurs acquis de formation) ? Combien de séminaires ont vu leurs participants, motivés, baisser les bras après trois semaines de retour dans leur organismes parce que rien n’est fait pour leur permettre de mettre en œuvre leurs acquis.

L’ingénierie de formation, dans ce contexte rapidement brossé est constituée de l’ensemble des techniques, réalisées par (et sous la responsabilité d’) un organisme de formation, sollicitant à la mesure des besoins les autres partenaires, pour:

• Concevoir un produit de formation adapté aux besoins effectifs des partenaires à court, moyen et long terme, dans le cadre d’une économie (au sens d’une gestion des activités) des moyens utilisés définie dans un cahier des charges interne.
• Mettre en œuvre et contrôler en permanence le processus; mesurer l’écart entre les différents objectifs et les résultats obtenus.
• Rectifier et améliorer en permanence et au plus près du temps réel.
• Contrôler les transferts des acquis de formation en contexte socio-professionnel.

Cela suppose:

• Une extrême précision de la définition des objectifs,
• Une formalisation préalable des actions nécessaires pour les atteindre,
• La définition de l’ensemble des modalités de contrôle de la qualité:
•• Le contrôle de la structure,
•• Le contrôle des activités et processus,
•• Le contrôle des résultats.

Dans ce cadre, la définition des objectifs est une technique de base et il ne peut y avoir d’objectifs que de performances et de compétences: les connaissances intrinsèques et pures si elles existent ne sont pas observables et donc n’existent professionnellement pas.
Rajoutons que les compétences acquises en formation sont indissociables de leur mise en application: elles constituent des apprentissages opérationnels à certains contextes. La question de transfert est au centre de la problématique de la formation.


3 -Des objectifs-

Rappelons-le encore, ce sont des objectifs socio-professionnels extérieurs, évaluables en situations socio- professionnelles, qui finalisent une formation d’adultes.

Les objectifs de la formation n’en sont qu’une déclinaison à partir de l’hypothèse d’un transfert des compétences acquises et validées dans les conditions artificielles (limitées et
“protégées”), de la formation d’objectifs d’amélioration des fonctionnements et des performances d’un organisme.

Cela nous permet d’avancer les termes de la définition d’une formation-action
(5) .
Une formation-action n’a d’autres objectifs que socio-professionnels. L’atteinte de ces objectifs s’évalue en situation socio-professionnelle (sur site), directement par les hiérarchies socio-professionnelles légitimes. Les modalités d’atteinte de ces objectifs peuvent exiger un certain nombre de séquences intercalaires de simulation, de rappel de principes généraux, voire quelques apports didactiques dans des lieux autres.

Les typologies d’objectifs sont nombreuses. Pour notre part, nous distinguerons particulièrement les catégories d’objectifs généraux suivantes qui sont pertinentes aux besoins des organisations modernes. Ces catégories n’ont pas de prétention à l’exhaustivité.

3.1- L’acquisition des capacités de base nécessaires pour l’
”honnête homme” du XXIème siècle (conditions de base de l’adaptabilité) : Lire, écrire, compter, mais ce qui ne veut pas dire :

• réciter l’alphabet mais donner du sens à desinformations figurant dan des documents écrits,
• recopier des signes, mais être capable d’exprimer ce que l’on veut par écrit, dans le cadre d’une syntaxe socialement et professionnellement acceptables.
• effectuer 4 opérations, mais, à l’intérieur d’une situation-problème, savoir lesquelles mettre en œuvre.

Transformer ces compétences (auxquelles il faut maintenant rajouter les éléments d'une maîtrise de l'utilisation d'un micro-ordinateur et d'Internet) en objectifs, c’est préciser les contextes (spatiaux, temporels et de forme) dans lesquels ils devront pouvoir être validés et la mesure de cette validation, à partir de l’hypothèse d’un transfert aux situations futures. Il est donc nécessaire de prévoir une variété du contexte des vérifications à la hauteur de la variété de ces situations futures.
En formation d’adultes, deux points sont à signaler :

• La plupart du temps, ces mécanismes ont été abordés en formation initiale et, pour des raisons multiples (et si possible à analyser), n’ont pas été assimilés. Il s’agira donc de rassurer, puis de “réparer” et non pas de “faire du neuf” ni surtout de recommencer à l’identique, selon les mêmes mécanismes qui ont abouti à cet échec.
• Le détail de ces capacités de base a quelquefois été oublié faute d’”entretien”, mais sans qu’il y ait eu forcément échec de l’apprentissage initial.

3.2- La modernisation de compétences spécifiques. Il s’agit là d’entretenir et de moderniser, sans référence à un constat d’échec initial.

3.3- L’acquisition de nouvelles compétences, liées à des projets personnels ou aux développements de la vie professionnelle. A partir de l’analyse des compétences existantes, il s’agira de dessiner le chemin critique à bâtir.
En entreprise ou en organisation professionnelle, ces compétences à acquérir s’analysent en deux grandes catégories :

• Les compétences qui vont élever la différenciation interne de l’organisation, enrichir sa variété, son taux de variété et son stock global de compétences. Les objectifs se définissent alors à partir des référentiels Métiers et Postes actualisés et vont se greffer sur des compétences en principe maîtrisées.
• Celles qui vont élever la redondance organisationnelle, optimiser le système de communication interne, élever la polyvalence des postes et fonctions, favoriser la flexibilité et l’adaptabilité : l’ensemble des compétences transversales aux différents métiers et qui favoriseront l’intégration dans le projet d’organisation.

Posons cet axiome, trop souvent ignoré de beaucoup de responsables de formation lors de l’établissement de leurs plans de formation: Toute élévation de la variété ou de la performance d’un système doit être payée par un investissement dans l’accroissement de sa redondance.

Rappelons qu’H. ATLAN
(6) illustre l’évolution d’un système complexe entre les deux axes du cristal, à haute redondance organisationnelle et celui de la fumée . Il explique qu’un système, pour évoluer, va puiser dans sa redondance initiale pour accroître les spécialisations de certains de ses processeurs afin d’exploiter plus et/ou mieux de nouveaux environnements. Or la redondance initiale d’un système s’épuise, d’où la nécessité d’un investissement permanent
A partir de cette thèse, étant donné l’accélération du rythme des évolutions qui caractérise le monde économique et professionnel contemporain, les interventions-formations sur une organisation doivent se répartir en deux grandes catégories :

• Celles qui vont re-fabriquer de la redondance organisationnelle. Très schématiquement et à titre d’exemple celles qui visent l’élévation des compétences de base, l’analyse de situation-problèmes, les différents aspects de la gestion, les techniques de communication professionnelle, le management, la qualité....
• Celles qui vont accroître le taux de variété, essentiellement les spécialisation sur de nouvelles techniques.

Ignorer trop longtemps cette règle, ne pas systématiquement respecter cet équilibre expose à des surprises désagréables et à des réveils difficiles.

3.4- L’amélioration des performances. A partir des compétences acquises sont alors visées dans des tranches de comportements précisément ciblés, des optimisations en temps, en coût, en forme, en taux de défectuosité... C’est ce qui se retrouve, en formation initiale avec le “bachotage”, sitôt arrêté, sitôt oublié...

3.5- L’évolution de comportements péri-professionnels de base. Dynamique du travail en groupes restreints, simulations, travail sur soi et techniques de développement personnel sont des vecteurs privilégiés d’objectifs qui nécessitent, encore plus que les autres, une évolution des modes et conditions de management.

3.6- L’élévation de la capacité à évoluer, l’ ”
apprendre à apprendre”. En effet, contrairement à ce que l’on croit trop souvent, la coordination d’un dispositif organisationnel et l’acquisition d’un certain nombre de techniques peuvent faciliter la capacité d’évolution.

3.7- L’élévation de la polyvalence, (qui rejoint, sur de nombreux points, l’élévation des comportements péri-professionnels de base). Elle est de plus en plus nécessaire pour assoir évolutivité et flexibilité. On a trop tendance à ne la voir que modulaire et réduite à l’acquisition de compétences externes aux besoins directs des postes de travail. En réalité, elle recouvre un vaste champ et son contenu s’accroît avec la complexification des tâches de la plupart des postes :

• l’élévation des compétences communicationnelles et managériales de base. Ce qui comprend autant la capacité à s’exprimer, lire, écrire, compter (de mieux en mieux, de plus en plus vite, de plus en plus, et sur des matériels toujours plus sophistiqués), que les capacités à maîtriser les interactions interpersonnelles d’un milieu professionnel.
• l’élévation des compétences transversales en accueil, négociation, animation de réunions, différents types de rédactions
“administratives”, différents types de calcul (jusqu’aux statistiques élémentaires...
• l’élévation de la capacité à professionnaliser les relations avec l’amont et l’aval du poste, à gérer les relations inter-hiérarchiques, à travailler en équipe.
• l’élévation de la capacité à extraire et à chercher les informations nécessaires, à les traiter.
• l’élévation de la capacité générale à améliorer la gestion des problèmes rencontrés.
• et bien évidemment l’acquisition des quelques nouvelles compétences techniques propres à permettre une polyvalence de type modulaire.

L’élévation de la polyvalence ne peut se réduire aux quelques actions dans lesquelles elle est trop souvent cantonnée: “L’esprit critique et la responsabilité à l’autonomie, la capacité à mobiliser ses connaissances pour résoudre des problèmes, le raisonnement, la capacité à communiquer en groupe, la créativité... sont aujourd’hui demandés à tous les nivaux alors qu’autrefois ces compétences étaient l’apanage de l’encadrement” ( ("Le travail dans 20 ans", Coll. O. JACOB, Seuil)). La polyvalence nécessaire s’assimile à la problématique de l’hologramme. Elle exige une variété coordonnée d’actions pour lesquelles un accompagnement en formation est la plupart du temps nécessaire. Elle est à la base de la redondance organisationnelle qui facilite les évolutions et changements.

4- Objectifs et évaluation-

Passer d’une intention de formation ou d’objectifs généraux à de l’opérationnel suppose la précision, par le formateur, des comportements concrets escomptés de l’apprenant en fin de cursus, de séquence, ou de situation de formation :

• Quelle forme, quel contexte, quelle performance, quel dispositif et quel taux de réussite sont à même de me garantir que les objectifs opérationnels de formation sont acquis ?
• Quelle forme, quel contexte, quelle performance, quel dispositif et quel taux de réussite sont à même de me garantir que les objectifs acquis se transfèreront optimalement en situation professionnelle réelle?

En fait, le négatif (au sens photographique) d’un objectif opérationnel est la définition à priori de ses modalités d’évaluation. Ce n’est qu’à partir de là, et bien après que pourront être définis les moyens nécessaires pour les atteindre au moindre coût.

41- Les objectifs
L’objectif opérationnel, défini en tant qu’observable, mesurable et univoque, permet seul une évaluation réelle . Il doit être en outre:

• valide et/ou validé par la structure ou l’interlocuteur idoine,
• fiable, (dépendant le moins possible de la subjectivité de l’observateur),
• exclusif (ne mesurant qu’un seul aspect à la fois).

Cela présuppose un certain nombre de points:

• Le processus étant finalisé, les étapes sont décrites, les moyens de contrôle sont posés et le suivi de conformité s’en trouve facilité.
• Le formateur entre dans une logique de production: il sait que, dans des conditions définies, les apprenants doivent
“produire” un certain nombre de comportements à certains moments.
• Les objectifs sont hiérarchisables et doivent être hiérarchisés sur le mode logique “si... alors...” jusqu’à ce qu’on arrive à un objectif opérationnel répondant aux critères définis.
• L’objectif, s’il est univoque, ne souffre d’aucune ambiguïté, mais constitue aussi un support et un code de communication privilégié entre les trois partenaires du processus de formation comme le recommande TYLER
(7) .
• L’objectif, mis en relation chiffrée avec des moyens affectés, ses résultats et les caractéristiques des publics peut permettre des échanges fructueux entre organismes du même type et décideurs par l’analyse des écarts à fins d’amélioration des performances au moindre coût.
• Enfin l’objectif, s’il est détaillé en activités et performances de l’apprenant peut lui permettre un auto-contrôle constant.

D. HAMELINE (8) définit les quatre règles de l’ingénierie par objectifs :

"Pour qu’une intention pédagogique tende à devenir opérationnelle,
1- Son contenu doit pouvoir être énoncé de la manière la moins équivoque possible.
2- Elle doit décrire une activité de l’apprenant identifiable par un comportement univoque.
3- Elle doit mentionner les conditions dans lesquelles le comportement énoncé doit se manifester.
4- Elle doit indiquer le niveau d’exigence auquel l’apprentissage est tenu de se situer et les critères qui serviront à l’évaluation de cet apprentissage.
"

Il n’y a pas grand chose à rajouter, cependant :

• Nous nous situons dans une problématique de relations interpersonnelles et une approche par objectifs ne sera jamais un pur processus mécanique. Un objectif opérationnel ne sera jamais totalement transparent. et il faut se méfier de la tentation réductionniste. HAMELINE semble le signifier en employant les mots “tende à devenir opérationnelle” à la place de “soit opérationnelle”.
• Le processus de fabrication de “ses propre connaissances” par l’apprenant est si complexe, la subjectivité de l’évaluation encore si importante, les mécanismes de transfert encore si mystérieux qu’il est impensable d’arriver à une ingénierie et une programmation permettant un pronostic à taux de défaut nul. Un formateur doit réussir à réguler ses interventions et décider sur des observations simplement
“significatives”, sur la base d’interprétations d’observations fugitives de phénomènes discrets. Il devra en outre inéluctablement accepter et “faire avec” les bonnes (et moins bonnes) surprises.

Entrer dans une ingénierie par objectifs constitue néammoins un guide et une référence indispensable à l’action de formateur pour objectiver son action et donc pour pouvoir y agir. L’ingénierie par objectifs, par un travail de conception dont la technique est très semblable à l’analyse fonctionnelle, permet de limiter les risques et de multiplier les étapes du contrôle qualité.

De l’objectif général à l’objectif opérationnel (qui, s’il répond aux règles d’HAMELINE, constitue un véritable indicateur
(9), la démarche analytique d’ensembles à sous-ensembles s’effectue de deux manières :

1- La définition chronologique d’objectifs opérationnels d’étapes. Pour pouvoir effectuer une multiplication, il faut, en principe d’abord savoir effectuer une addition Ces objectifs d’étape servent de repères dans la définition du chemin critique.
2- La définition d’objectifs opérationnels particuliers. Pour pouvoir effectuer une multiplication, il faut maîtriser la numération, l’addition et les tables de multiplication...

42- Evaluation
Nous avons dit que les procédures de contrôle et d’évaluation ont plusieurs finalités. Elles ne servent pas, comme cela a été trop longtemps le cas en formation initiale, à porter une appréciation sur les capacité de l’apprenant ou sur ses performances. Elles visent la mise sous contrôle de l’ensemble du processus de formation et doivent apporter, à chaque acteur de ce processus, les informations lui permettant de ré-agir/ pro-agir.

• Elles doivent permettre aux financeurs de vérifier tout à la fois :
- l’atteinte des objectifs de formation initialement définis,
- la conformité des déroulements aux prescriptions du cahier des charges,
- le niveau de satisfaction des apprenants.

A un second niveau, le financeur doit pouvoir mesurer la pertinence des choix effectués par rapport à l’atteinte de ses objectifs socio-professionnels initiaux ainsi que la rentabilité de son investissement.

• Le système d’évaluation doit permettre aux apprenants :
- d’exprimer leur satisfaction ou leur insatisfaction,
- de fixer les buts, identifier des repères sur le chemin,
- de valider les différents
“passages à niveau”, les différentes étapes-clés.
- de réguler leur quantité et leurs modes de travail,
• Le système d’évaluation doit permettre à l’organisme de formation d'assurer la qualité de ses prestations:
- contrôler en permanence la conformité des déroulements conventionnés,
- d’affiner (évaluation diagnostic des pré-requis), les compétences des apprenants avant d’enchaîner sur la séquence suivante.
- contrôler en permanence l’atteinte des objectifs fixés,
- contrôler l’atteinte des objectifs terminaux,
- identifier les points faibles dans une perspective d’amélioration,
- suivre en permanence l’
“état d’esprit” des apprenants,
- contribuer à la traçabilité des processus, permettant les historiques.
- communiquer au financeur un compte-rendu le plus objectif qui soit du déroulement de la formation.

L’ensemble doit permettre à un niveau ultérieur, d’effectuer des analyses comparées de la rentabilité de telle ou telle approche, de tel ou tel investissement.

Comme on le voit, le système d’évaluation, à finalités multiples et imbriquées doit être à la hauteur de la complexité de l’action de formation et constitue une part essentielle du système d’information de la formation. Il doit aussi, étant système de contrôle du système, être commun aux différents partenaires, c’est à dire, au moins, être rédigé et bâti pour être totalement accessible et maîtrisable par les apprenants.
Enfin, il doit être conçu pour permettre un minimum d’exploitation statistiques ultérieures.

En termes logiques, il y a au moins six niveaux d’évaluation différents :

1- Celui de la conformité de la structure et de l’organisation générale
2- Celui de la mesure de la conformité des déroulements aux données des deux cahier des charges (l’externe, imposé par l’entreprise et l’interne, celui de l’organisme de formation).
3- Celui de la régulation, en permanence, des activités et processus de formation.
4- Celui de la mesure de l’atteinte des objectifs de formation.
5- Celui qui mesurera la pertinence des objectifs de formation par rapport aux objectifs socio-professionnels. Il ne peut s’effectuer qu’après le retour sur poste de travail et l’évaluation
“retardée”.
6- Celui de l’efficience de la formation, de sa rentabilité, c’est à dire le rapport entre son efficacité dans l’atteinte de ses objectifs et ses coûts (de tous ordres).

43- La boucle de la Qualité en formation
La boucle de la qualité de la prestation de formation recouvre totalement, avec des méthodologies spécifiques, la boucle de la Qualité de l’ISO 9004-2.

La problématique générale d’une action de formation peut se résumer sur le schéma suivant:

• Elle démarre de l’analyse des besoins de compétences,
• s’enchaîne de la définition d’un cahier des charges de la demande,
• qui doit se traduire en un cahier des charges de la formation, à partir d’hypothèses de transfert.
• La transaction-interaction entre ce cahier des charges et la technicité de l’organisme de formation permet la conception du produit-formation.
• Cette conception générale se décline en ingénierie des
“matières”, séquences et situations et la répartition des moyens.
• Parallèlement se formalise le système de contrôle, à 3 étages, de la formation .
• Le déroulement, sous contrôle permanent de la formation proprement dite peut alors s’effectuer.
• L’évaluation finale de la formation analyse l’écart entre les déroulements, les résultats et le cahier des charges de la formation.
• Le bilan final, obligatoirement retardé, analyse l’écart entre les résultats en situation professionnelle et le cahier des charges de la demande, explicitant les besoins.
• Enfin, l’analyse des déroulements de la formation, de ses résultats puis de l’écart entre l’évaluation sur site et les besoins initialement exprimés permet un travail de l’organisme de formation pour l’amélioration de ses procédures internes.


Telle que nous l’avons représentée, nous n’avons pas fait figurer sur le schéma, pour des commodités de présentation, les interfaces ni le processus de mercatique. Il apparaît clairement que:

• Les spécifications du service sont traduites, en vocabulaire de la formation, en objectifs. Ces objectifs doivent répondre aux définitions précédentes.
• Les spécifications de la prestation de service sont traduites en descriptif des modalités de la formation. Ces descriptifs doivent, eux-aussi, répondre (validité, fiabilité, exclusivité, univocité, observabilité, mesurabilité) aux mêmes critères.
• Les spécifications du contrôle Qualité sont traduites en système d’évaluation de la formation, système formalisé et pré-établi. Ce système doit couvrir:
•• L’évaluation des ressources matérielles, humaines, technologiques....
•• L’évaluation du processus proprement dit.
•• L’évaluation des différentes hiérarchisations d’objectifs.

Par ailleurs, ces formalisation doivent se retrouver, avec des contenus spécifiques:

• Pour la totalité du cursus de formation.
• Pour chaque séquence de formation
• Pour chaque situation de formation

Le système d’évaluation comprend, à chaque étape du processus, indépendamment de l’évaluation terminale:

• Le contrôle de l’atteinte des objectifs. Cependant:
•• Certains objectifs sont “transcendants” et critiques. Ils conditionnent l’atteinte de tous les autres. L’ambiance générale et la dynamique du groupe des apprenants, les comportements de chaque apprenant... Ils doivent donc être contrôlés en permanence.
•• D’autres, plus spécifiques et plus techniques, supposeront des
“arrêts” du processus de formation proprement dit, ou des modalités particulières, pour être contrôlés. Il s’agit plus particulièrement des contrôles des acquis.
• Le contrôle de la conformité aux diverses règlementations et aux données des cahiers des charges. Ce qui suppose un ensemble de formalisations décrivant, chronologiquement les normes à respecter, les passages obligés à vérifier, les points critiques à contrôler... Ainsi que les modalités purement techniques du traitement (en général arithmétiques) des données recueillies.
• Le contrôle permanent de la satisfaction des apprenants car cette satisfaction, et la motivation qui l’accompagne, est un des principaux
“moteurs” du processus de formation.
• La définition des différents champs et les différentes modalités d’évaluation:
•• Qu’est ce qui est du ressort de chaque formateur ?
•• Qu’est ce qui est du ressort de l’équipe des formateurs et responsables de formation (coordination générale, revue de projet)?
•• Qu’est-ce qui justifie une revue de direction mobilisant la direction de l’organisme?
•• Quelles coordination avec une participation du financeur et/ou des apprenants ?
•• Quelles modalités de traitement des anomalies et des non-conformités ?


En fait les analyses d’écarts et les différentes rétroactions mises en œuvre dans un cursus de formation sont nombreuses et emboîtées:

• Au cours des séquences, sous l’autorité du formateur, dans le cadre de ses objectifs et de ses déroulements prévus.
• Lors des différents cycles, sous l’autorité du responsable de formation et de l’équipe de formateur.
• En fin de formation, par l’analyse de l’écart avec le cahier des charges de la formation.
• En situation professionnelle, post-formation, par l’analyse de l’écart avec le cahier des charges des besoins.

La Qualité en formation doit satisfaire les besoins, distincts et pour partie communs, d’un donneur d’ordres et de ses participants. Dans tout processus de formation des mécanismes irrémédiablement opaques sont à l’œuvre, qui n’en font pas une science exacte. L’Assurance Qualité d’une action de formation, tout processus d’amélioration permanente, y compris dans les déroulements proprement “pédagogiques” est conditionnée par la traçabilité des préparations préalables aux interventions et celles de leurs différentes régulations.

Depuis le milieu des années 80, des réflexions de fond se mènent sur l’application des outils et méthodes de la Qualité à la Formation d’Adultes, dans de nombreux secteurs. Les Entretiens CONDORCET ont contribué à poser les problématiques, le premier Séminaire National 1994 du Ministère de l’Education Nationale “La Qualité en Formation d’Adultes” s’inscrit dans cette continuité.
Par ailleurs, le Groupe National Qualité en Formation d’Adultes initié par l’ex-bureau DLC 95 du Ministère de l’Education Nationale se réunit et travaille régulièrement depuis 1987. Les référentiels que l’Education Nationale (Formation d’Adultes) assigne aux CPEN (Centres Permanents), ELEN (formation aux langues), SRIF (Système de réponse individualisé) constituent, depuis les années 87, des référentiels d’assurance Qualité. L’AFNOR a, depuis le début des années 90, entamé une démarche de normalisation de la formation professionnelle des adultes qui se traduit par l’existence de plusieurs normes. Le monde de la formation, en général, s’interroge encore sur tout ce qui a trait à la certification et certains ont essuient les plâtres d’une l’ ISO 9000 qui peine à s’appliquer à la problématique de la formation.

Le rapport de contribution à l’enquête européenne
“La Qualité de la formation continue en France” (10) met l’accent sur la dimension oubliée des travaux sur la Qualité appliquée à la Formation: “Une première dimension problématique que les démarches qualité savent mal prendre en compte, est celle de l’implication du formé dans la démarche qualité et la maîtrise de l’acte pédagogique lui-même”. Les démarches Qualité appliquées à la formation se sont cantonnées à la partie facile, celle qui ne nécessite que peu de réflexions sur ses pratiques propres, transférant les avancées du monde de l’entreprise de production et de service pour tout ce qui est transversal . Nous sommes dans la complexité définie par JL LE MOIGNE “ La notion de complexité implique celle d’imprévisible possible, d’émergence plausible du nouveau et du sens au sein du phénomène que l’on tient pour complexe” (11)


5- L’investissement-formation-

Le plan et/ou le programme de formation d’une organisation (entreprises ou services publics pour leurs personnels) est une des formes de réponses, un des investissements nécessaires au double défi posé aux organisations : survivre et se développer (très proches du
“survivre et générer” que J. MONOD assignait comme projet essentiel aux systèmes vivants). Les tendances lourdes du monde moderne accentuent en permanence les pressions :

• Elévation du niveau d’exigence du consommateur et de l’usager: Exigence qualitative, exigence de diversification, exigence de prix, exigence de service...
• Exacerbation de la concurrence en une véritable guerre économique du fait, essentiellement, de l’émergence de pays neufs combinant nouvelles technologies de production et coût peu élevé de la main d’œuvre.
• Accélération du rythme des évolutions : technologiques, des attentes et des besoins, règlementaires...
• Haute rentabilité du secteur proprement financier et environnement économique général instable et en partie opaque.
• Problèmes de reconversion sociale , économiques, budgétaires et monétaires divers des principaux pays développés et donc émergence de demandes de nouvelles compétences.
• Evolution des compétnces de base nécessaires à beaucoup de métiers
A. MINC (12) note: “Les activités, dans tous les secteurs et à tous les échelons, incorporent de plus en plus de recherche documentaire, d’effort d’organisation, de traitement de l’information, de modes diversifiés d’expression et de relations à autrui. Les qualités personnelles et professionnelles seraient, dit-on, importantes, mais dans la réalité insuffisamment reconnues et entretenues”.
Le couple TOFFLER (13) souligne “Aujourd’hui, les questions clés qu’il faut se poser à propos du travail d’une personne donnée sont celles-ci: En quelle proportion comporte-t-il du traitement d’informations, dans quelle mesure est-il répétitif ou programmable, quel niveau d’abstraction implique-t-il, quel accès le travailleur a-t-il à la banque centrale de données et au système d’information de la direction, quelle autonomie et quel degré de responsabilité possède-t-il ?”. Ces contraintes doivent se retrouver dans l’offre de formation, sous des formes multiples et variées, si les techniques d’analyse de ces besoins relativement nouveaux deviennent encore plus performantes.

Faire remonter en permanence la voix des clients et celle, en partie contradictoire des actionnaires pour finaliser les différents niveaux organisationnels et les différentes transactions internes et externes est le défi de la survie et du développement: : la recherche de l’élaboration de produits et services conformes, en temps réel, aux besoins implicites et/ou explicites des clients et usagers, c’est à dire, aussi, au moindre coût est la seule garantie si l’organisation est capable de mobiliser toutes ses énergies sur cette quête et cette adaptation/évolution permanente.
La formation est, dans ce cadre, un investissement qui peut être stratégique et qui doit être rentable.

Ces tendances lourdes pèsent, sur des modes différents autant sur le secteur public que sur le secteur privé.
Une des différence de fond entre secteur privé et secteur public est que, chez le premier, un impitoyable mécanisme de “sélection naturelle” est à l’œuvre, éliminant à termes variables et selon des mécanismes de régulation nationaux les plus mauvais ou les plus faibles : ceux dont le modèle organisationnel n’a pas su ou pas pu s’adapter à la “niche économique” qu’ils se sont choisis.
Pour les organisations publiques, la réalité est moins simple. Les modalités de
“sélection naturelle” sont pauvres voire, dans certains cas, inversées. Les flux pris en compte sont plus nombreux et rattachés à des valeurs sociales quelquefois floues, sans régulation directe suffisante de l’usager. Cela explique en partie l’accumulation anti-fonctionnelle et la persistance de “strates” managériales, techniques, procédurières, statutaires dont les plus anciennes peuvent remonter à la nuit des temps et cohabitent plutôt mal que bien avec les plus récentes, accentuant les phénomènes bureaucratiques de tous ordres si bien analysés par M. CROZIER.

La formation doit , comme les autres investissements, suivre le processus de l’analyse du besoin de compétences, celle de l’opportunité, celle des coûts puis des retours, avec ses caractéristiques propres :

• Elle est immatérielle, plus difficilement mesurable en terme de performance et de rendement.
• Ses effets sont étroitement dépendants du climat humain de l’organisation et des modes de management.
• Elle a des effets différents à termes court, moyen et long.
• La gestion de son temps est critique : quelquefois, une semaine trop tôt , une semaine trop tard et l’impact prévu peut basculer en son contraire. Elle est étroitement dépendante des modifications prévues ou nécessaires de l’organisation.
• Elle possède une plasticité que n’ont pas les autres catégories d’investissements, avec des capacités d’impact vraisemblablement les plus élevées.
• Elle s’intègre peu à peu dans les fonctionnements ordinaires de l’organisation , ne serait-ce qu’à travers le management participatif et le travail en groupes restreints.

Dès lors, la formation doit s’intégrer totalement à l’organisation et à ses fonctionnements, démarrant d’une analyse détaillée des besoins de compétences (et non des demandes) et se terminant, après consultation des hiérarchies concernées, par la définition précise des évolutions des unités fonctionnelles, optimisant le retour sur poste de ressources humaines ayant évolué. C’est l’ensemble de cette ligne qui doit être systématiquement traitée et mise sous contrôle dans une collaboration étroite entre tous les niveaux concernés de l’organisation, le consultant, l’organisme de formation et les apprenants.



Concluons en rappelant que l’ingénierie de formation recouvre l’ensemble des techniques, procédures et dispositifs, associés à leur assurance et leur contrôle afin de concevoir, et mettre en oeuvre, au moindre coût, des opérations d’optimisation des ressources humaines d’une organisation. Cela suppose :

• de transcrire des objectifs socio-professionnels en objectifs généraux de formation, puis en objectifs opérationnels.
• de définir à priori les modalités d’un contrôle dont la variété doit être à la hauteur de la complexité du processus, assurant la boucle de la qualité de la prestation.
• de concevoir la formation comme un investissement et de la traiter comme tel.

1- La norme AFNOR X50-750 définit la capacité (du stagiaire): “Ensemble des performances constatées qui peuvent être définies par un ou des référentiels de contenu de formation. La capacités sont souvent exprimées en termes de savoirs et savoir-faire”. Retour au texte
2-
Les compétences (capacité qu'a un individu d'accomplir une tâche donnée) ont 3 caractéristiques: Elles portent sur des contenus précis, sont relatives à des situations données et résultent de l’interaction dynamique entre différents types de savoirs. Points de reprères in Revue Sciences Humaines n°12, Février-Mars 96. Elles supposent en outre:
- La possibilité de représenter la situation et d'analyser l'écart entre le présent et le projeté,
- De planifier le processus de changement,
- de réaliser et contrôler l'exécution.
Y. MINVIELLE développe (“Les compétences en entreprise”, même revue): que les compétences sont l’appareillage de deux architectures: des informations et des séquences d’actions. Retour au texte
3- Au sens de l’Assurance Qualité: Ensemble des activités pré-établies et systématiques mises en œuvre dans le cadre du système qualité, et démontrées en tant que besoin, pour donner la confiance appropriée en ce qu’une entité satisfera aux exigences pour la qualité. Retour au texte
4- Elle explique que pour qu’un système de pilotage puisse contrôler un système, sa variété interne doit être à la hauteur de la variété du système à piloter. Autrement dit, pour qu’un système reste stable ou atteigne ses objectifs dans un environnement instable, il faut qu’il possède une capacité d’analyse et de réaction lui permettant de prévoir et de répondre à toutes les fluctuations provenant de cet environnement: Cela oblige, non seulement à mesurer quelques résultats, mais à modéliser les zones critiques.
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5- L’appelation date et fait “vieillot”. Elle correspond cependant à une réalité et à un type d’intervention qui se développe et se développera vraisemblablement encore. Retour au texte
6- Henri ATLAN: “Entre le cristal et la fumée” - Seuil & interventions au Colloque de Cerisy “L’auto-organisation” - Seuil . Ces thèses rejoignent les modèles de J. PIAGET d’une évolution par “Assimilation-Intégration” et d’H.A. SIMON par “Différenciation-Intégration”. Retour au texte
7- cité par D. HAMELINE, cf note suivante. Retour au texte
8- Daniel HAMELINE “Les objectifs pédagogiques” - 8ème édition - ESF 90
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9- Un Indicateur, selon le Joint Commission on Accréditation of Healthcare Organization (USA) est "une mesure quantitative qui peut être utilisée pour surveiller et évaluer la qualité de toutes les activités importantes (gestion, activités cliniques, services de soutien) qui ont un impact - résultat positif ou négatif - chez le bénéficiaire".
J. LAURIN: “Qualité des soins infirmiers: concepts et évaluation” - Presses de l’Université de Montréal.
La batterie d'indicateurs la plus sophistiquée ne pourra jamais épuiser la complexité des phénomènes qu'elle espère représenter. Néammoins, des indicateurs sont indispensables pour prétendre à un pilotage minimum du système.
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10- J. BONAMY, Y. MANENTI, A. VOISIN, février 95, Edité par le CNRS, Laboratoire IRPEACS. Retour au texte
11- JL LE MOIGNE, “La modélisation des systèmes complexes” - DUNOD, 90. Retour au texte
12-“ La France de l’an 2 000” - Rapport au Premier Ministre - Ed. Odile Jacob / La Documentation Française 94. Retour au texte
13- Alvin et Heidi TOFFLER “Créer une nouvelle civilisation” - Fayard 95. Retour au texte
1996