Un processus de communication complexe
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Un formateur est avant tout un communicateur. La problématique systémique de la communication permet de mettre en évidence les principaux points critiques d'une interaction de communication.
Le premier axiome annonce qu' "on ne peut pas ne pas communiquer" . En soi, un comportement de refus de communication (je prends l'air renfrogné et détourne la tête) est un acte de communication qui va entraîner des réactions de ceux qui regardent. Deux personnes se voient, deux regards se croisent et nous sommes déjà dans une problématique de la communication. La conséquence directe de cet axiome est que chacun envoie, en permanence et sans en être forcément conscient une multitude d'informations à ceux qui, simplement le voient.
Trop souvent, parlant de communication, on se réfère exclusivement au langage parlé, volontairement émis. Il ne représente pourtant, selon les travaux, que 15 à 25% des informations effectivement captées. Le reste est constitué de mimiques, gestuelles, attitudes, tons, regards... qui renforcent ou disqualifient le message purement verbal.
Une interaction de communication suppose:
1.1- Un émetteur et un récepteur. Cet émetteur et ce récepteur n'étant tels qu'à la première seconde de l'interaction. Ils deviennent instantanément et à part égale, à l'intérieur des pouvoirs et attentes respectifs, les locuteurs-acteurs de l'interaction.
1.2- Un projet d'interaction. Implicitement ou explicitement, une interaction est toujours finalisée par l'un, l'autre ou chacun des locuteurs. Ces finalités sont-elles compatibles? Sont-elles identiques? Sont-elles explicites ? Chacun des locuteurs est-il disponible à l'autre ? Nous voyons d'emblée la multitude des écarts possibles. Un projet explicité commun et donc un temps et un travail préalables sont des données facilitantes. Cependant, la séquence "boucle" très vite et devient auto-organisatrice; ses déroulements peuvent rapidement échapper aux intentions de départ des locuteurs.
1.3- De l'information ou du message. C'est trop souvent la seule composante mise en avant lorsqu'on parle de communication. Elle est sensée correspondre à une intention totalement volontaire et rationelle de l'émetteur. C'est déjà du complexe qui suppose des codes langagiers et des capacités de codage/décodage totalement compatibles et communs. En fait, l'information émise n'est jamais reçue en totalité, elle est interprétée, avec des pertes et du "bruit". Généralement, le langage parlé ou écrit est dénommé "langage digital" car il est susceptible de se décomposer en unités distinctes, les mots étant analogiquement comparables à des bits d'information.
1.4- Un premier contexte communicationnel. L'information verbale ou écrite émise n'est jamais la seule à être reçue. Dans une entreprise, la culture d'entreprise, son ambiance du moment, vont rajouter du sens. Dans une interaction verbale, le ton utilisé, la distance entre les locuteurs, le regard, les expressions, la gestuelle, la tenue... vont rajouter de l'information renforçante ou disqualifiante. Le message "je suis heureux de vous rencontrer enfin" peut être interprété de multiples manières en fonction des éléments de son contexte. Si des éléments forts du contexte divergent fortement du message et de son intention, le récepteur va interpréter et choisir..! Et il ne sélectionnera pas forcément ce que souhaiterait l'émetteur.
Le champ de la métacommunication constitue classiquement le "langage analogique" car il est continu. Même en me taisant, je communique par mes expressions et mon attitude sur un mode continu.
Ce contexte communicationnel s'exprime par différents médias (verbal, visuel, écrit...). Une communication est toujours multimédia. Dans une recherche d'efficacité, l'essentiel est que la redondance des différents messages émis soit largement supérieure à leurs variétés et à leurs perturbations. Dès lors un message professionnel devra toujours organiser une mise en scène de l'information.
Combien d'entre nous n'ont pas été frappé d'entendre un responsable affirmer, en toute bonne foi, que l'information a été transmise alors que cette transmission se borne à un papier affiché sur un tableau qui en compte déjà d'innombrables (dont certains datant de plusieurs mois).
Par ailleurs, GOFFMAN (1) et HALL (2) ont mis en évidence:
pour le premier, la complexité et la précision des codes sociaux qui règlent notre vie de tous les jours et nous permettent de communiquer implicitement avec les autres dans la plupart des situations courantes.
pour le second, leurs principales variantes culturelles et ethniques.
1.5- Un méta-contexte relationnel. La relation qui existe entre les locuteur va donner sens au message. Le même message du fils à son père ou du père à son fils n'aura vraisemblablement pas le même sens ni les mêmes effets. Il en va de même pour une relation professionnelle hiérarchique. Mais ce contexte relationnel n'est que rarement défini avec autant de précision que dans l'Armée. Il est souvent en grande partie implicite. Mais il peut n'être clair pour aucun des locuteurs, ou faire l'objet d'un rapport de force, ou être, comme dans une relation parent-enfant, en constante évolution.
Il ne peut pas ne pas y avoir de "relation". Les gens auxquels nous nous adressons nous sont spontanément plus ou moins sympathiques, ou indifférents. Notre disponibilité du moment va aussi influer sur cette relation.
Une relation professionnelle est contractuelle dans le cadre d'un projet explicite et commun. Elle s'extériorise essentiellement par le langage analogique et échappe donc souvent à l'intention de l'émetteur. Dans le cadre de relations hiérarchiques, les subordonnés auront tendance à "répondre aux attentes" qu'ils déchiffreront dans le contexte communicationnel plus facilement qu'aux messages volontairement émis.
Les effets paradoxaux en communication proviennent toujours d'un écart important entre les deux langages dans le cadre d'une relation de pouvoir.
1.6- Des rétroactions. Dès que l'interaction est engagée, des rétroactions se mettent en uvre, renvoyant aux émetteurs des réactions à leurs messages. Ce sont ces réactions à des interprétations de l'information émise qui vont être, à leur tour interprétées. Sont à l'uvre deux grandes catégories de rétroactions :
La rétroaction négative qui, dans le cadre d'un projet initial, va atténuer les perturbations, maintenant la stabilité de la relation. C'est une extrapolation du thermostat qui permettra de maintenir constante la température programmée d'une pièce ou d'un four quelques soient les variations et leurs causes.
La rétroaction positive va accentuer les perturbations et, si elle ne fait pas l'objet d'une méta-régulation, amener la rupture de la relation initiale et sa transformation en quelque chose de radicalement autre. L'exemple classiquement donné est celui de l'effet LARSEN qui, lorsqu'un micro est trop proche d'un haut-parleur, va sur un mode exponentiel, démultiplier le bruit de fond jusqu'à la destruction du système.
Ces rétroactions ne se trouvent que rarement pures dans une interaction de communication. C'est un jeu conjoint et complémentaire des deux qui va maintenir une relation à l'identique ou, dans d'autres situations, lui permettre de nécessairement évoluer.
Tout se passe comme si, entre l'émetteur et le récepteur, se trouvait un filtre-stimulateur des informations provenant de chaque locuteur. Ce filtre, véritable système invisible construit par l'expérience et la relation va "positiver" ou "négativiser" les rétroactions par une organisation complexe, à hiérarchisations permutantes, appuyé sur les niveaux logiques de la communication et fortement dépendant de ses environnements.
Un certain nombre de travaux tournent autour d'une "assurance qualité" des communications interpersonnelles, des règles d'une "hygiène de la communication" telles que les décrit J. SALOME (3) aux techniques de la PNL.
L'assurance qualité du traitement de l'information est théoriquement tout à fait concevable en s'appuyant sur une procédure de cet ordre:
Les travaux de l'Ecole de PALO-ALTO, par leur ancrage dans un paradigme systémique, permettent une conceptualisation unificatrice.
G. BATESON (4) souligne que la communication, du fait de sa nature doublement modificatrice, est "un apprentissage permanent de la communication". Mais il est des apprentissages qui dysfonctionnent..! Il a mis en évidence le mécanisme de la "double contrainte" ou "double lien" comme fabriquant de graves dysfonctionnements de l'évolution et de l'apprentissage. Le "double lien" suppose, dans le cadre d'une relation hiérarchique :
Une première injonction, digitale, positive: "fais ceci ou cela, sois ceci ou cela...".
Une seconde injonction, analogique et métacommunicationnelle disqualifiant fortement ou signifiant carrément le contraire.
L'impossibilité de rompre la relation ou de la remettre en cause.
Lorsque ces trois opérations se répètent plus ou moins régulièrement, même sur le mode badin, elles font apparaître des comportements aberrants. La thérapie familiale, approche systémique de la maladie mentale, s'intéresse particulièrement au repérage des mécanismes de double lien et met en uvre des techniques visant à faire évoluer la structure dysfonctionnante, sans se préoccuper plus que nécessaire du "patient désigné" dont l'état s'améliore régulièrement avec l'évolution de la structure de référence.
L'Ecole de PALO-ALTO a mis l'accent sur des injonctions paradoxales qui, constamment répétées, relèvent du double lien. "Sois spontané", "Sois responsable" en sont deux exemples significatifs. En obéissant, je ne suis ni spontané ni responsable et en n'obéissant pas, je ne le deviens pas davantage!
Le "Sois responsable" est pourtant une expression qui fleurit abondamment dans les mondes de l'enseignement, de la formation et de l'entreprise.
jfa04
1997