Toutes les entreprises, quelles que soient leurs productions,
sont concernées par la qualité des services, ne serait-ce que par l'accueil
et le suivi de leurs clients. Elles le sont encore du fait des relations clients-fournissseurs
internes qui constituent une partie essentielle du système de communication
interne. Les divers organismes publics sont aussi concernés, dans la mesure
où ils sont là pour des services aux publics.
Pour l'ISO 9004-2, le service est "le
résultat généré par des activités à l'interface fournisseur/client
et par des activités internes au fournisseur pour répondre aux besoins
du client". Cette définition fait référence
et renvoie aux principales caractéristiques des services. J'en ai sélectionné
10.
1- J. TEBOUL (1) caractérise un service par son interface
:"Ce lieu d'interaction entre un usager
ou un client et un système de production. Dans cette interface, l'usager est
physiquement présent, et la production et la consommation sont simultanées".
Souvent l'usager est non seulement présent mais impliqué,
et partie prenante du service. C'est quelquefois lui-même qui "s'usine" et se transforme (restauration, soins divers, formation...).
Cette situation entraîne une relative imprédictibilité
et la nécessité, comme pour la gestion des services d'urgence, de pouvoir
extraire et traiter l'information très rapidement ... puis d'enchaîner
sur les "modules d'actions"
pré-programmés, la plupart du temps hélas, implicites et non formalisés.
La pertinence et la rapidité de l'analyse des situations
et de la prise de décision sont des obligations du poste-service.
Le client ou l'usager d'un service court toujours un risque
et une assurance de la Qualité des services doit prévenir et gérer
ces risques. Cela oblige là comme ailleurs:
un fort travail préalable de modélisation,
la délimitation
des lieux et moments critiques,
la définition
de procédures,
la définition
d'indicateurs pertinents, et des modalités de contrôle,
la définition
des modalités de régulation (la gestion du "hors-norme") et d'évolution
de tout le dispositif.
Or on constate que, trop souvent, rien de tout cela n'existe.
Dans les services on vit la plupart du temps dans une culture orale.
2- J. HOROWITZ (2) distingue la prestation de service proprement dite (celle qui est
facturée) de l'ensemble des services annexes qui l'entourent (accueil, qualité
du cadre et des supports, information, après-vente...) et qui doivent renvoyer
à l'usager une image d'eux-mêmes valorisante.
Il sépare dans la prestation le "degré
de sans-souci"(la conformité à
ce qui est annoncé et une assurance "risque") de la "valeur-ajoutée réelle".
Il rappelle cet axiome essentiel "Seul
le client est juge de la qualité du service. Son avis est donc primordial".
Compte-tenu de l'impact des "humeurs" (du client comme de l'opérateur) sur les résultats, il
convient d'analyser préalablement les besoins et les attentes des clients afin
de définir précisément les caractéristiques:
du produit ou de la prestation du service,
du service
minimum entourant le produit ou la prestation du service,
du "service +" permettant de
se démarquer de la concurrence,
Chacun de ces trois niveaux distincts d'organisation des
prestations nécessite une assurance de la qualité.
HOROWITZ rajoute que "rien
n'empêche de transformer la promesse (de qualité annoncée du service)
en norme de qualité (destinée aux personnels)".
Ce qui pose d'emblée la dimension managériale et nécessairement participative
de la qualité des services.
3- Quelques problèmes qui se posent dans la
qualité des services :
Il y a une perception globale de la qualité du service par
le client ou l'usager. Tout point faible dans la chaîne ou le processus va noircir
irrémédiablement la totalité du tableau.
L'importance
de la communication interpersonnelle en général et de l'accueil en particulier,
vont, à priori, orienter fortement la perception par le client de la qualité
du futur service. La qualité de l'accueil est primordiale
L'image
d'un organisme de service est primordiale parce que c'est sur elle que s'engage le
client.
L'importance
du cadre physique de l'organisme, y compris de son aménagement. En formation,
par exemple, la simple disposition des tables et chaises induira des comportements
différents. La qualité des supports (papiers et autres) sera utilisée
comme indice de la qualité du service immatériel.
Il y a
toujours une part d'individualisation dans le service, ne serait ce que lors de l'interation
client. Il existe donc un espace d'état du service, avec un noyau dur et une
partie variable dont il est sage de définir les espaces.
En fait, il y a toujours, sous une fome ou une autre, une
participation du client à la prestation, avec un client qui va jusqu'à
être co-sujet, co-objet du service. Se pose alors le problème du management
du client: Comment l'amener à adopter un certain nombre de comportements (tourner
la tête à certains moments d'une coupe de cheveux, prendre un caddie au
supermarché....) nécessaires à une prestation réussie ? Quelle
gestion de l'information qui lui est destinée ?
4- Il ne peut y avoir de déchets (ni d'ailleurs
de stocks) dans les services immatériels qu'un contrôle approprié
en fin d'étape permettrait d'éliminer. Produit et consommé en même
temps, le service ne tolère pas l'approximation et une "base
arrière" doit assurer aux "personnels de première ligne",
ceux au contact direct avec le client ou l'usager, une sérénité et
une capacité à réagir très vite en se centrant sur l'interaction-client..
Vu l'éventail des attentes et des comportements des
clients et quelque soit le professionnalisme des personnels et le dispositif d'assurance
qualité, il est inévitable que des approximations ou des erreurs se produisent.
Dès lors, seul un mécanisme de compensation approprié pourra atténuer
l'insatisfaction de l'usager. Ce système de compensation a tout intérêt
à être pensé à priori à partir de situations-types.
5- La durée de l'interaction avec le client
augmente le risque de le mécontenter.
J. JURAN(3) indique qu'un service
est une succession d'interactions interpersonnelles, de contacts multiformes dont
chacun peut devenir un "moment de vérité" amenant un jugement global sur la qualité de la prestation.
Cette succession de relations interpersonnelles à variété élevée,
leur complexité irréductible à un ensemble de procédures exigent
des personnels à haut degré d'autonomie, de disponibilité, de compétences
et de motivation.
Cette nécessité d'autonomie est renforcée
par le fait qu'une personnalisation des rapports s'opère dans les services :
au lieu de mettre en cause une mauvaise prestation, l'usager aura tendance à
s'en prendre à l'acteur de la prestation, le jugeant incompétent, impoli,
inattentif...! .. Renforçant les risques de voir l'opérateur réagir
personnellement et non plus professionnellement.
6- Du fait de l'immatérialité de certains
services, les utilisateurs attachent une grande importance à l'information "
de bouche à oreille". Lorsqu'on sait qu'un seul client mécontent
sur vingt se manifeste en moyenne (mais que tout client mécontent va faire part
de ses impressions à plus de 10 personnes), centrer le système d'information
sur les réclamations de tous types devient une opération de survie.
Il suppose des opérateurs qui acceptent de "dire", même lorsqu'ils
se sentent en cause.
7- Pour un certain nombre de services immatériels,
la visibilité de leurs caractéristiques n'est ni directe ni explicite.
"Visibiliser" les composantes de la "satisfaction des clients"
, les traduire en procédures cadrant des actions est une tâche complexe,
en perpétuelle amélioration, et indispensable. L'ISO 9004-2, insiste: "Les
exigences d'un service doivent être clairement définies en termes de caractéristiques
observables et susceptibles d'être évaluées par le client. Il en va
de même pour les processus de prestation du service...".
A défaut, étant donné le risque permanent
de glissement des réclamations à des mises en causes personnelles, on assistera
à une rigidification des comportements des opérateurs et le réflexe
de faire porter indistinctement "aux autres" (les clients, l'ambiance,
la direction, les collègues...) la responsabilité des défauts. Dans
la prestation de service plus qu'ailleurs, la "visibilisation" des
normes et caractéristiques, l'objectivation des prestations est une nécessité
de long terme.
8- En fait, dans une prestation de service, le processus
est le produit et le produit est le processus. On retrouve l'importance d'un espace
et d'un temps "arrières", service et logistique d'appui à la "ligne
de front" du contact client et surtout une maîtrise
du processus d'élaboration: "La mesure et
la maîtrise des résultats du procédé sont ...essentielles pour
obtenir et maintenir la qualité exigée du service" (ISO
9004-2).
Cette maîtrise passe par la définition et la
formalisation (ISO 9004-2):
Du niveau des services devant être fournis,
De l'image
et de la réputation de la qualité de l'organisme de service,
Des objectifs
Qualité du service,
Des manières
de procéder pour atteindre les objectifs Qualité,
Des rôles
des personnels chargés de la mise en oeuvre de la politique Qualité.
9-L'ISO 9004-2 insiste fortement sur les aspects
proprement humains de la prestation de service. La norme souligne la nécessité
d'intégrer et d'assurer:
La gestion des processus sociaux du service,
Les interactions
humaines, éléments essentiels de la qualité du service,
L'importance
de la perception des clients vis à vis de l'image de marque, de la culture et
des réalisations de l'organisme,
Le développement
des compétences et des aptitudes du personnel,
La motivation
des personnels.
Au delà des recettes, la qualité des services,
si elle veut se pérénniser, impose donc une stratégie managériale
à construire et à réguler en permanence.
10- En conclusion, insistons sur cet axiome de bon
sens: "La meilleure des organisation Qualité
d'aujourd'hui sera largement dépassée demain".
La bonne organisation n'est pas celle qui est, mais toujours celle qui est à
construire. Veille concurrentielle, veille technologique, outils marketing sont les
phares qui éclaireront le chemin à parcourir, interminablement, sans pauses
ni repos, sous peine de réveils difficiles. Les techniques Qualité ne sont
que des moyens pour atteindre ces objectifs pêrpétuellement fuyants. Une
entreprise doit, par ses produits et services, satisfaire des clients variés,
dont les demandes évoluent en permanence, dans le cadre d'environnements règlementaire,
concurrentiel et technologique évoluant constamment eux aussi. Nous vivons,
avec la mondialisation et l'irruption d'Internet une formidable accélération
de ces rythmes du changement.
L'évolution des attentes du client de services obéit
à des rythmes encore plus élevés que dans la demande de produits matériels.
La recherche de l'amélioration permanente mobilisant tous les personnels doit
prendre le pas sur l'Assurance de la qualité stricto sensu. La réactivité,
(en fait la pro-activité, réactivité au plus près du temps réel
aux besoins et aux attentes des clients et usagers) devient une des composantes essentielles
de la qualité du service.
Dans les services plus qu'ailleurs, le changement, l'évolution
permanente sont la norme. Cela doit être clair autant dans la conscience des
managers que des managés. C'est la maîtrise et la gestion du changement
qui donne sens à toute l'organisation moderne.
1- “La dynamique Qualité”
Ed. d’Organisation-1990. Retour au texte 2- “ La qualité de service à la conquête du client”
InterEditions- Retour au
texte 3- J. JURAN “La Qualité dans les services” AFNOR Gestion-1987.
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