Une situation de formation
Essai de modélisation opérationnelle

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“Au cours de ces expériences, le temps ne jaillit ni de la position, voilà l’équilibre statuaire, ni de l’opposition, deuxième stabilité d’où rien ne peut venir, ni de leur relation, arche ou arc statique d’immobilité pérenne, mais d’un écart à l’équilibre qui jette ou lance la position hors d’elle-même vers le déséquilibre, qui l’exclut de son repos, exactement d’un porte à faux...”
M. SERRES - ”Le tiers-instruit”


1-Une situation de formation
2- La structure d’une situation en formation
3- La difficulté dans la situation
4- Faire évoluer la situation
Concluons


Pour les commodités de l'exposé, nous avons arbitrairement choisi de partir d'une situation de formation "classique", comprenant un groupe d'apprenant et un formateur. A partir de là, toutes les déclinaisons sont possibles et à effectuer, y compris pour des situations de formation à distance dans le cadre des NTIC.
Nous ne prétendons pas, avec cette présentation, bouleverser grand chose. Une situation de formation nous a semblé être suffisamment complexe pour avoir envie, très modestement, d'essayer d'en tirer des éléments utiles pour l'enseignant et le formateur


Une action de formation, une séquence de formation sont une succession de situations, de formation ou non, en fonction de leurs effets constatés en sortie. Cette
“séquence élementaire” a lontemps été pensée dans les termes d’une mécanique linéaire à partir de l’hypothèse simpliste :

Pré-requis + apport de connaissances = Performances (en terme de “plus de connaissances”)

Cette opération simple était effectuée par un enseignant ayant à doser sa progression pédagogique à partir de la complication croissante de sa discipline en vérifiant périodiquement les acquisitions.
En un mot une mécanique élaborée d’en haut appliquant des modifications à des matières d’œuvre malléables et, sinon passives, au moins sans autonomie par rapport aux attentes de cet enseignant. sinon celle de la
“mauvaise volonté”. Ce modèle avait pour conséquence de laisser l’enseignant totalement démuni lorsque les résultats attendus ne se produisaient pas. La faute revenant alors à l’indigence ou la mauvaise volonté de la “matière première”. Les résultats, s’ils étaient acceptables dans un système élitiste ne le sont plus lorsque la compétition mondiale oblige un corps social performant.

Le modèle actuel d’un
“apprenant producteur de ses propres connaissances” induit le passage d’une conception de l’acte de formation directif et descendant, centré sur les contenus et le “programme” à une stratégie de formation en appui, en stimulations périphériques, centrées sur la dynamique et les compétences de l’apprenant, un “jeu avec”. Une situation, c'est un espace ouvert à l'apprenant, c’est l’accompagnement, par un formateur-médiateur, d’une évolution finalisée (par des objectifs) de la mémoire du système-apprenant. Apprendre, comme le déclare P. SYLVESTRE (1) c’est “transformer ses structures cognitives pour passer d’une cohérence à une autre”, d’un état momentanément stable à un autre. Dès lors, former, “c’est aider à la mutation des systèmes de représentation”.

L’évolution d’un système peut se schématiser ainsi, dans une dynamique de Différenciation- Intégration:

• Sous la pression des environnements, une reprogrammation de certains programmes ou de certaines données (de perception, d’action, de réflexion...) mémorisés.
• Sous la pression des environnements, l’acquisition de nouveaux programmes ou de nouvelles données.
• Sous la pression des environnements, l’amélioration de la coordination des programmes et données déjà mémorisés.
• Sous la pression des environnements, l’adaptation structurelle (la refonte, partielle ou plus totale, la réorganisation des programmes et donnée déjà mémorisé),.
• Mais aussi par la définition de nouveaux projets, entraînant les mêmes transformations que celles opérées sous la pression des environnements.

Le formateur a là , à sa disposition, les différentes modalités d’acquisition, dans la mesure ou il sait que la perception de ces “pressions” par l’apprenant va conditionner ses comportements.


1- Une situation en formation-


Elle suppose la définition d’un certain nombre d’axiomes préalables :

• C’est une interaction continue, formalisée homogène, pré-programmée à l’intérieur de lieux et moments entre les stratégies, plus ou moins institutionnalisées, du formateur et du “formé”, cadrée par des objectifs socio-professionnels extérieurs.
C’est une interaction formalisée puisque se déroulant à partir d’une unité d’objectifs et de déroulements annoncés. Elle est pré-programmée puisque le temps imparti (limité et défini) doit être réparti entre les différents objectifs.
La durée d’intervention orale du formateur est forcément courte : les capacités d’attention baissent de près de moitié à l’issue d’une période de 20 minutes et de près de 70% après quarante minutes.
• Cette interaction est finalisée en une gamme d’objectifs toujours étendus, variés mais hiérarchisés. Pour l’essentiel, il s’agira d’obtenir un changement orienté et pré-défini de la mémoire de l’auditeur, changement qui accroisse ses possibilités d’intervention sur ses environnements. Actions et comportements, représentations et modalités de perception, schèmes mémorisés et processus de leurs activations sont, nous l’avons vu, indissolublement liés. Cet objectif prioritaire peut être atteint, à l’intérieur d’une situation, par un exposé théorique ou une mise en situation ou par toutes la gamme des intermédiaires possibles.

Rappelons que la mémoire n’est pas un sac où sont mémorisés en vrac des “souvenirs”. Elle donne sens à des interactions, stocke et active sélectivement les heuristiques qu’elle juge pertinentes à l’interaction, permettant la computation ultérieure d’informations. C’est enfin elle qui déclenche les schèmes d’actions (concrets ou abstraits) qu’elle juge appropriés, les articule, les régule et les évalue.
Les écarts constatés en sortie entre les finalités annoncées de la situation et les comportements et performances observés permettent d’évaluer la situation.

1.1- Une situation de formation doit apporter au formateur les éléments d’une régulation de son intervention, ce qui suppose :

• Un corpus théorique de référence (une modélisation, implicite ou explicite de l’apprentissage dans les systèmes complexes).
• Un projet global et des hypothèses formulées sous formes d’objectifs opérationnels.
• Un système de contrôle et mesure (mise à l’épreuve de ces hypothèses) dont la variété soit à la mesure de la complexité de l’acte de formation.

Le formateur/concepteur/chercheur démarre d’une représentation opérationnelle de son projet dont les modalités de contrôle posés à priori vont constituer le “négatif “, au sens photographique du terme.

1.2- Une situation de formation est un moment limité, autonome qui dépend autant de ce qui le fonde, de ce qui l’a précédé que de ce qui devrait suivre. Elle s’inscrit dans un référentiel
“temps”, doté de rythmes particuliers, d’un espace et d’un éventail de formes acceptables. Elle a toujours des objectifs opérationnels, mais qui sont inscrits/emboîtés dans des objectifs plus généraux.

1.3.- L’apprenant, à l’intérieur d’une situation de formation,
“travaille”, au sens physicien du terme, avec ses outils , selon ses rythmes et à travers son espace qui ne sont pas ceux de ses voisins. Il est donc indispensable qu’il jouisse d’une “marge de manœuvre” qui soit adaptée, à la fois à ses capacités et à la situation et ses objectifs.

L’apprenant est co-auteur, acteur autonome de la situation. Il fabrique et crée ses connaissances à partir de l’interaction entre ses expériences, organisées en niveaux logiques et un/des environnements dotés d’une marge d’incertitude. Il ne consomme pas des savoirs: il les produit et les intègre en mémoire à partir de son analyse de situations-problèmes.

Il est malheureusement impossible intrinsèquement de connaître exactement, par rapport à l’interaction :

• Quel était l’état de la mémoire de l’apprenant avant.
• Quel est sont état après.

Il est donc nécessaire de travailler à partir d’une hypothèse de “boîte noire” et se contenter de l’organisation d’un ensemble d’indicateurs “discrets” (2) pour gérer puis évaluer l’efficacité de la situation. La forme et les pondérations implicites de cette organisation d’indicateurs sera toujours le reflet de la conception-même de l’ingénierie de la situation.

Une formation réussie demande notamment:

• des formateurs, matériels et installations de qualité,
• une analyse des besoins et un cahier des charges pertinents,
• des apprenants impliqués, disposant des pré-requis nécessaires et préalablement informés de ce qui va se dérouler afin de pouvoir agir en toute efficacité : professionnels dans leurs comportements.
• un processus de formation sous contrôle et un souci d’amélioration permanente au plus près du temps réel.

Une démarche Qualité ne peut prétendre s’appliquer à une formation si ces conditions ne sont pas mises en œuvre. Si elles n’existent pas au départ, il paraît alors évident qu’il faut “perdre le temps” d’y travailler.

1.4- Il est possible d’identifier une certain nombre de seuils d’incertitudes porteurs, chacuns, de possibilités de bifurcation :

• L’apprenant a son histoire, ses codes, ses rythmes, ses modalités propres de représentation et d’apprentissage. Ces particularités déterminent l’analyse qu’il fera de la situation et donc, ses réactions.
• Fonction de son histoire scolaire, toute situation d’apprentissage institutionnelle sera analysée, avec toutes les variantes intermédiaires, comme gratifiante, possiblement gratifiante, ou à priori dévalorisante.
• L’apprenant a son
“espace d’humeur” et sa disponibilité dépendra aussi de facteurs conjoncturels (fatigue, irritabilité momentanée...), ou amont (accueil désagréable, environnement dévalorisant...).
• Un apprenant est en général partie prenante d’un groupe en formation. Nous l’avons dit, le groupe pourra favoriser ou défavoriser l’investissement dans la situation.
En outre, trouver un code et un langage qui conviennent à tous les membres du groupe suppose une analyse et une régulation du formateur, de même que la concordance entre ses messages et ses méta-messages.
• Les performances de l’apprenant seul, de l’apprenant en groupe, de l’apprenant avec le formateur ne sont pas les mêmes. Ne se baser que sur les uns ou les autres peut induire des conclusions risquant de mener à des dérapages.

1.5- Tous les travaux modernes sur l’apprentissage insistent sur un point: : on n’apprend que si, d’abord, on a envie d’apprendre. La satisfaction de l’auditeur quant à la relation qui le lie au formateur, la formation et/ou à l’organisme de formation est fondamentale. La mise sous contrôle de cette satisfaction est le premier pré-requis d’une formation de qualité.

Reste qu’une formation va se traduire par :

• L’acquisition et/ou l’amélioration de programmes d’action intellectuelles et/ou motrices.
• L’acquisition et/ou l’approfondissement de concepts.
• L’acquisition et/ou l’amélioration d’heuristiques.

Un programme se déroule avec éventuellement des régulations légères dans un environnement maîtrisé, à partir d’un signal dénué d’ambiguïté.

Un concept, rappelons-le, est un engramme mémorisé doté d’une certaine plasticité, permettant la reconnaissance d’un objet ou d’une situation et le déclenchement des actions appropriées aux finalités du système. Il garantit l’adaptation à des environnements non maîtrisés. Il est inséparable des mécanismes de reconnaissance qui démarrent de la perception et vont mettre en oeuvre les heuristiques nécessaires: méthodologie d’analyse en réponse à une situation-problème, comparable au moteur d’inférence d’un système-expert. L’analyse préalable approfondie du
“noyau dur” du concept, de ses caractéristiques, attributs et fonctions principaux, mise en relation avec des hypothèses sur les pré-requis des publics à former est une des bases de l’assurance de la qualité d’une situation de formation.

A partir du moment où les objectifs de formation sont définis en intégrant cette problématique, une situation de formation devra sélectionner les moyens nécessaires pour les atteindre.


2- La structure d’une situation en formation-


Une situation de formation de peut se représenter par ses projets, ses frontières, ses entrées et sorties, sa structure, ses fonctions, son espace d’états, sa mémoire... et donc en tant que système fabriquant de la valeur ajoutée. L’entrée et les chemins parcourus dans la situation sont relatifs à un certain nombre de variables sur lesquels le formateur est susceptible de jouer pour arriver aux comportements escomptés. Nous n’en citerons que les principales :

2.1- Une situation qui, au départ, doit répondre à la double nécessité de :

• L’investissement des apprenants. S’ils ne s’investissent pas dans le processus, la rentabilité sera faible ou nulle. Elle doit donc partir de ce qu’ils sont et leur proposer un parcours à priori gratifiant.
• Les contraintes des objectifs, du programme, de la discipline, de l’emploi du temps, des coûts.
L’investissement de l’auditeur est , au moins au départ, prioritaire sur les contraintes techniques de la discipline ou du programme. Ce n’est qu’avec des publics motivés et rationnels que la technicité disciplinaire du formateur prend le pas sur ses capacités d’animation.
• Ces contraintes cadrent une stratégie du formateur entre les limites :
•• Des techniques d’animation nécessaires pour constituer et maintenir un groupe de production, pour gratifier et mobiliser les auditeurs,
•• La rigueur et la directivité de la progression didactique.


2.2- Une deuxième fourchette est à prévoir entre :

• Les pré-requis formulés en termes cognitifs de quantités et de qualités de capacités opératoires.
• Les objectifs sommatifs en terme de performance de la fin de situation.

Les premiers obligent une conception de la situation qui parte de la réalité du groupe. Les seconds cadrent la conception sur les finalités. Les limites de temps et d’espace tracent les frontières du système. Les consignes de départ vont constituer les éléments en système si elles mettent en mouvement les auditeurs dans la direction fixée par les objectifs.

2.3- La quantité d’information va induire une troisième fourchette entre :

• Suffisamment d’information pour donner forme à l’investissement des auditeurs
• Pas trop pour ne pas les saturer et/ou provoquer des réactions d’évitement, de fuite ou de lutte.

“Suffisamment” et “pas trop” sont avant tout relatifs aux auditeurs, à leurs codes et langages, à leurs compétences et capacités. L’information apporte du sens et ils sont les seuls légitimes à “pouvoir dire” et à apprécier la qualité et la quantité d’information fournie. Une information pour le formateur sera un “bruit” pour l’auditeur, une perturbation à laquelle il devra donner sens.
Reste que la gestion des informations doit se situer dans une problématique générale de la communication et ne sera efficaces que dans un contexte contrôlé.

2.4- Deux grands modes alternatifs et complémentaires sont constitutifs de la computation intelligente.
Ils ne sont pas de simples moyens mais peuvent devenir des objectifs :

• L’approche globale, de type analogique, de conjonction, bâtissant un modèle pour le comparer aux réel.
• L’approche analytique, de type séquentiel ou digital, de disjonction, étudiant les parties ou démarrant de l’expérimentation.

Une situation est toujours constituée par un écart, un problème. Les consignes pour avancer dans l’optimisation ou la résolution du problème devront être explicitées selon ces deux modes. Un média visuel facilitera une compréhension globale. Un média auditif sera plus efficace pour une approche séquentielle et analytique.

2.5- Le niveau d’abstraction de la situation, du concret au plus abstrait, est :

• Un choix de départ, pour entrer dans la situation,
• Quelque soit le choix de départ, un chemin à parcourir.

Si, à priori, le démarrage par la mobilisation de l’expérience de l’auditeur privilégierait une entrée par le concret et la manipulation (physique ou intellectuelle), certains cas peuvent justifier une entrée par la présentation de la théorie.

2.6- Un autre axe est donné par l’individualisation :

• De l’auditeur seul face à un problème, avec l’éventuel soutien du formateur, travaillant selon ses modes et ses rythmes.
• Du formateur face à son groupe, imposant ses choix de modes et de rythmes.
Entre les deux se situent toutes les situations intermédiaires (travaux collectifs, en sous-groupes). Cet axe met en évidence la respiration qui doit être propre à toute action de formation :
• Des moments axés sur les rythmes et les formes définis par le formateur,
• Des moments axés sur les rythmes et les formes définis par chaque auditeur.
2.7- Une fourchette "cognitive" entre :

• La mise en chantier de la fabrication de concepts,
• L’affinement de programmes d’actions intellectuelles ou motrices.


2.8- Une fourchette allant, enfin, de l’
“entraînement” à la recherche de performances à travers des tests de toutes natures.
Chaque extrémité de ces axes définit des hiérarchies d’objectifs sur lesquelles la situation va jouer. L’autonomie du système/situation de formation se trouve à la croisée de tous ces axes si l’investissement des auditeurs lui donne forme.

Une première approche, en 8 dimensions, de la structure générale d’une situation de formation apparaît alors. Chaque fourchette est un processeur sur lequel on peut agir pour modifier les sorties. Chaque déplacement dans ce champ modifiera les caractéristiques des Sorties. Chaque flèche est assimilable au chemin d’un curseur et le jeu sur chacun des curseurs permet de moduler la situation, de la stabiliser momentanément et de la faire évoluer comme suit :

Transférons la structure en processus. Une situation, passé l’exposé des consignes, démarre en général par une mobilisation des ressources qui prend la forme soit d’un tâtonnement hésitant, soit d’une ruée dans l’activité. Peu à peu ces deux comportements extrêmes se rapprochent si le cadre et les consignes sont adaptées au publics dans un comportement communément appelé “concentration” au cours duquel l’individu semble ignorer ou rejeter tout ce qui n’a pas trait à la situation. Puis, peu à peu (avec des variations significatives en fonctions des publics et populations), l’investissement diminue, des comportements de “distraction” apparaissent.

La dimension
“temps” de la situation constitue une frontière du système, mais une frontière analogique, précédée de phénomènes observables annonciateurs. Des optimisations sont possibles sur cette dimension, notamment :

• Diminution du temps d’hésitation/réflexion par l’utilisation de techniques et méthodes variées et adaptées à chaque type de situation.
• Allongement de la capacité à
“tenir” la concentration maximum.


La
“forme” globale du système n’apparaît qu’à partir de la représentation-conception que s’est constituée le formateur à partir de son expérience, son projet , ses objectifs et l’ensemble de ses indicateurs. Cette forme est-elle “conforme” à ce qu’il prévoyait ? Jusqu’où ?
C’est ce qui constitue le système d’évaluation et qui déclenchera, si l’écart est important, les diverses modalités de régulation.


3- La difficulté dans la situation-


Quels sont les grandes variantes des scénarios possibles dans une situation de formation?
A priori, une analyse rationnelle mettrait en évidence soit l’
“encéphalogramme plat” d’apprenants ne s’investissant pas dans la situation, soit une agitation mal cadrée, soit une avancée logique vers les objectifs assignés.
Certaines observations montrent pourtant l’existence de sauts logiques :

3.1- ARMSTRONG
(3) a recruté par petites annonces des étudiants soi-disant pour des expériences d’acuité visuelle. Le protocole était simple: “ Nous allons faire rapidement défiler devant vous des cartes à jouer. Vous aurez simplement à noter précisément leur hauteur (7, 8, roi...), leur genre (trèfle, cœur...) et leur couleur (rouge ou noir) sur une fiche”.
Parmi les cartes projetées, certaines avaient été modifiées, le 7 de cœur se retrouvant noir, le 8 de pique rouge... Il existait une perturbation, un écart, entre ce qui était attendu et ce qui était perçu.
ARMSTRONG note quatre grands types de comportements en réponse à cette situation :

• Certains cobayes notent parfaitement les anomalies et décrivent les cartes correctement.
• D’autres modulent la non-pertinence entre le genre et la couleur. Ils decrivent (par exemple) un 7 de cœur violet ou un 8 de pique marron.
• Une troisième catégorie nie la non-pertinence. Ils notent imperturbablement un 8 de pique noir et un 7 de cœur rouge.
• Un quatrième groupe se met en retrait, boude ostensiblement, ou refuse de répondre, ou se met en colère et s’en va.
Signalons que chaque candidat avait été sélectionné avec une vision parfaitement normale, en forme comme en couleurs.
Comme nous l’avons déjà abordé avec les processus de mémorisation, cette expérience nous amène à identifier quelques grands types de comportements en fonction de la manière dont est vécue la perception d’une perturbation :
• Une réaction spécifique, finement adaptée à la nature de la perturbation, l’ayant exactement cernée et localisée, utilisant les techniques et méthodes décrites comme les meilleures. Il n’y a pas de difficulté mais une réaction économique et ajustée dont les caractéristiques peuvent être projetées et normativement critériées à priori. A partir d’un signal reconnu, des programmes d’actions pré-programmés se déroulent.
• Il peut y avoir
“mise en quête” reconnaissant une perturbation mais sans pouvoir la localiser ou l’identifier précisément dans un espace (et un temps) . Le système avance, tâtonne, cherche et quelquefois trouve. Ce type de réaction caractérise autant l’espace de la création que celui de l’échec, l’évaluation terminale en décidant. Le système a mobilisé ses ressources mais n’arrive pas spontanément à déterminer les actions à mettre en œuvre. La manière dont va être connotée l’interaction va déterminer en grande partie les types de comportements qui seront mis en œuvre lors de la prochaine situation semblable.
• Il peut y avoir une réponse aléatoire, le
“n’importe quoi”. L’individu est distrait, non-motivé, la situation n’a pas de sens mais ne le met pas en cause. Le système ne se mobilise pas et puise au hasard dans sa mémoire. Sauf en cas de sanctions, il ne peut y avoir de mémorisation opérationnelle.
• Il peut enfin y avoir une réponse globale, mobilisant d’autres niveaux comportementaux avec :
•• Des réactions globales de fuite ou de lutte. Le système refuse la situation et l’environnement et trace durablement le champ des interactions qu’il acceptera à l’avenir.
•• Un repliement passif dont l’extrême est l’autisme. Le système est véritablement imprégné d’une perturbation à laquelle il ne peut donner sens et qui le déstructure.


C’est la nature de l’écart, tel qu’il est perçu, entre les événements et les schèmes engrammés en mémoire, conjointement à l’implication du sujet qui vont déterminer la gamme des comportements exhibés. Et ces écarts sont en partie contingents à l’état général du sujet et de son humeur du moment...! Et, en formation, notamment à la qualité de la relation qui lie l’auditeur au formateur et aux autres membres du groupe.

Rappelons qu’une succession de dissonnances légères mais répétées dans le cadre d’une relation fixée et hiérarchique (double lien mis en évidence par G.BATESON) peuvent aboutir aux mêmes comportements apparemment aberrants de fuite, de lutte ou de déstructuration, sans relation apparente aux conditions de la situation.
Chacun de ces comportements peut facilement être habillé de qualificatifs de comportements scolaires. Cette typologie permet, à priori, de prescrire des remédiations.

3.2- Par rapport à la perturbation, au problème rencontré, à l’écart entre ce que le système connaît et ce qu’il perçoit, à la situation de formation, on peut mettre en évidence différents types de difficultés sur les principales étapes du processus :

• Dans la perception et la représentation des perturbations et/ou des problèmes posés, et donc les décisions quant aux mobilisations à opérer et aux types de réponses à fournir.
• Dans le choix et la qualité des programmes engrammés par l’expérience du sujet.
• Dans les mécanismes d’heuristiques destinés à analyser une situation-problème.
• Dans les capacités à représenter-projeter,
• Dans les choix des décisions d’actions et de déroulement de programmes ou d’expérimentations.
• Dans leur mise en œuvre et leur déroulements,
• Dans leur évaluation.

Cependant, si le protocole d’observation est réducteur (ou si l’observateur est trivial), il ne constatera simplement qu’une erreur en sortie, qu’il imputera aléatoirement (ou idéologiquement) à tel ou tel typologie de difficultés.

Reste l’aspect plus économique des difficultés, qui peut surgir à chacune de ces étapes, dans l’espace, le temps et/ou la forme :

• Un défaut de localisation de la perturbation amènera une réponse diffuse, confuse et distendue, comparable au flou indifférenciant de l’objet photographié sans mise au point adéquate. Cela entraîne un espace et un temps de réponse très étendus qui peuventt être appréhendé :
•• En mesurant le temps utilisé par un sujet (et en le comparant à la moyenne des autres).
•• En demandant au sujet de décrire et formaliser les opérations intellectuelles auxquelles il se livre à l’étape considérée.

Cette opération, s’il est impossible de la réaliser constamment, permet ponctuellement d’opérer une analyse de l’existant sur laquelle il est alors possible de greffer lers optimisations prioritaires, dans une logique d’amélioration de la Qualité.

• La forme générale des computations (qu’il est en général possible de ramener à des opérations logiques simples) peut être méthodologiquement imparfaite. Là encore, cela pourra être appréhendé en demandant au sujet de décrire les opérations intellectuelles auxquelles il se livre et de déceler notamment :
•• Des confusions logiques,
•• Des lacunes conceptuelles.

Cependant, au moins en début de cursus, il est indispensable d’accepter la diversité des cheminements intellectuels individuels. S. BARUK montre qu’en mathématiques, il existe souvent plusieurs chemins pour arriver au même but.
Accepter cette diversité, c’est partir de l’expérience du sujet (souligné par la plupart des praticiens comme indispensable en formation d’adultes), et d’un existant (pour lequel on peut alors entamer une démarche d’optimisation). Rajoutons que cela a aussi l’avantage de ne pas dévaloriser d’entrée un individu et de marquer durablement sa relation avec le contexte général de la formation.

• L’énergie dépensée est aussi indice de difficulté. Les comportements fébriles (au propre comme au figuré) marquent ou annoncent des difficultés.

Une fois la difficulté précisément localisée, aux équipes de formateurs (éventuellement en s’adjoignant le concours d’auditeurs) d’analyser les écarts. Nous revenons à la problématique connue des Méthodologies de Résolution de Problèmes.

Nous passons d’une ingénierie de formation qui, s’inspirant de la pédagogie, se présentait en
“art” (dont les caractéristiques sont incommunicables, sinon entre grands initiés sur un mode ésotérique, dont la maîtrise était plus ou moins innée, ou pour le moins très liée à la “personnalité”) à un ensemble de techniques comparables aux autres pratiques professionnelles et mobilisatrices des intelligences de toutes les parties prenantes du processus.

Sous un autre angle, la mise sous contrôle du processus d’apprentissage s’étend à toutes ses composantes. Le modèle d’un processus de production est opérationnel dans une situation de formation.
Une situation démarre d’un accueil, préparatoire à la mobilisation des ressources.
Elle doit avoir des objectifs clairs pour tous et permettre au maximum un auto-positionnement permanent.

Doivent être mis sous contrôle à partir des 5 M du diagramme d’ISHIKAWA
(4 ) et, si possible, selon des modalités garantissant la traçabilité :

• Machines- L’ensemble des matériels, du mobilier (et sa disposition) aux divers matériels utilisés lors des séquences ou des situations.
• Matières- Supports de formation (ouvrages et documents, transparents, études de cas, papier-crayons,...) : tout ce qui va ou peut être consommé lors d’une séquence ou d’une situation.
• Main d’œuvre- En deux grandes catégories :
•• Formateur: ses qualifications, sa maîtrise technique dans son champ d’intervention, ses compétences communicationnelles, ses compétences en animation, mais aussi ses supports d’intervention et ses “préparations” (progressions, architecture des séquences, ses modalités d’évaluation, ses référentiels d’objectifs opérationnels...).
•• Auditeurs: leurs pré-requis cognitifs et comportementaux, leurs motivations, leurs modes de cheminement logiques, leurs compétences communicationnelles, leurs
“préparations” (leurs planning de travail personnel, leurs référentiels d’objectifs, leurs modalités d’évaluation...). Mais aussi les principaux éléments de la dynamique du groupe. Il faut cependant faire attention à ce que les auditeurs constituent souvent les boucs émissaires rêvés de toutes les anomalies et non-conformités.
• Information (Méthodes)- L’explicitation des “règles du jeu”. L’information de tous sur les objectifs du cursus, des séquences, des situations, leurs articulations et leurs modalités de succession... Les consignes et leur mode d’application, les productions (orales, écrites, physiques, matérielles...).
• Environnement (Milieu)- Les locaux, mais aussi tout l’amont de la séquence ou de la situation ainsi que l’environnement général de la formation (accueil, pauses, café, Centre-Ressources, NTIC et principaux éléments du service entourant la prestation).


Ce type d’inventaire, réalisé à priori, permet la formalisation de check-lists qui constituent , en formation, le moyen privilégié d’une Assurance de la Qualité.
Le
“Zéro défaut” est toujours un objectif comportant une bonne part d’utopie, en formation peut être plus qu’ailleurs. Il ne constitue que le support d’une démarche laborieuse et résolue d’amélioration permanente.

Pour éviter la détérioration des fonctionnements, des formalisations minimales sont indispensables et devraient figurer dans les Cahiers de Charges, les descriptions de postes et les Manuels d’Assurances Qualité.
Prendre (et à première vue perdre) le temps que formateur et auditeurs formalisent au moins une partie des points passés en revue dans ce paragraphe est, vu la complexité intrinsèque de la moindre situation de formation (qui, en règle générale, se déroule en 20 à 50 mn), la garantie minimale d’une assurance des déroulements et de l’atteinte des objectifs et d’un professionnalisme équivalent aux autres secteurs de la production de services.
Comparés aux tableaux de bord et ratios de suivi d’activité de la plupart des grandes entreprises de service, les tableaux de bord de la plupart des structures de formation sont indigents dès qu’il s’agit de l’acte de formation proprement dit. L’héritage du champ psycho-social dont est issue la pratique professionnelle de la formation, est encore largement prégnant.

L’expérience montre en outre que, dans des formations dépassant une certaine durée, le temps passé à ces formalisations (formateurs et auditeurs) constitue un investissement rentable car :

• Il explicite les conceptions des formateurs et permet donc la mise en évidence d’écarts entre les différents intervenants, écarts sur lesquels il est ensuite possible de travailler enrichissant les conceptions (manières particulières de représenter) de chacun en une conception (élaboration formalisée d’une action à mettre en œuvre) commune.
• Il explicite les conceptions des auditeurs et permet la même homogénéïsation.
• Il explicite les conceptions communes des auditeurs et du formateur et autorise alors une synergie maximale.


3.3-
Une situation ne fera pas émerger la même forme, n’amènera pas les mêmes acquis selon ses modalités d’application. La redondance fonctionnelle nécessaire à des acquis opérationnels à des contextes variés, suppose d’explorer un maximum/optimum de l’espace de variété du système-situation. Sommairement :

• Les mêmes variables de la situation face à un auditeur individuel, au “grand groupe” d’auditeurs, ou à des sous-groupes n’ouvrent pas les mêmes perspectives d’exploitation .
•• Il est possible de répondre longuement face à un apprenant individuel, voire de l’accompagner dans ses cheminements intellectuels.
•• En sous-groupes, des discussions entre les membres amèneront des redéfinitions variées , des comparaisons entre les heuristiques mises en œuvre par chacun qui ne seraient pas possibles autrement.
•• En
“ grand groupe”, chacun pourra profiter des interventions éventuelles de chaque membre.
Les distorsions éventuelles dans la communication du formateur peuvent ainsi, en partie être régulées.
• La composition des sous-groupes a aussi son importance : des sous-groupes librement choisis (par affinités) ou des sous-groupes de niveau, ou des sous-groupes hétérogènes imposés donneront chacun lieu à des productions et des acquis sensiblement différents. Des sous-groupes de 2 ou de 5 personnes n’auront pas les mêmes effets...
Un retour formalisé des productions des sous-groupes en
“grand groupe”, outre son effet sur la dynamique du groupe, apportera d’autres éléments.
Chacun de ces modes de regroupement a ses avantages et ses inconvénients. Au formateur d’en bâtir les modalités de gestion.
• La même consigne, la même explication, le même problème... exposés par le formateur par écrit au tableau, par rétro-projecteur, oralement, ou par l’intermédiaire d’autres média n’offriront pas les mêmes avantages et ne présenteront pas les mêmes inconvénients. Ils n’entraîneront pas les mêmes actions ni les mêmes acquis. Globalement le visuel (schémas, graphiques, photos, dessins, vidéo...) permet une meilleure appréhension de la structure générale d’une information, le verbal insiste sur la linéarité et la séquentialité. Chacun de ces médias a des atouts spécifiques, au formateur de jouer sur leur diversité. (Cf : les travaux de la PNL
(5) ).
• L’entrée dans la situation, l’explication, des consignes sur un problème (en son sens général) par des approches analytiques ou globales, épigénétiques ou par la structure, causale ou fonctionnelle, en flux ou par les mécanismes d’évolution... n’entraîneront pas les mêmes acquis. La communication a besoin de redondance pour limiter le
“bruit”.
• Des formes d’organisation des productions des auditeurs privilégiant leurs rythmes et leurs cheminement propres, à l’intérieur d’un temps large n’amèneront pas les mêmes acquis que des contraintes strictes de durées, de formes et de performances.
L’évaluation, la mesure, un réel
“contrôle continu” seront les seuls guides, pour le formateur comme pour l’auditeur de l’opérationnalité des acquis.


La régulation de la situation par le formateur s’effectue en permanence à trois niveaux emboîtés :

A- Les apprenants s’investissent-ils dans la situation ?
Quels comportements exhibent-ils? Quels sont mes indicateurs permettant, sinon de mesurer finement, au moins d’apprécier sommairement cet investissement ? Nous sommes dans une évaluation normative critériée dont les éléments et leur organisation doivent être posés et formalisés à priori.

B- Y-a-t-il modification des conduites, des performances entre l’entrée dans la situation et la fin de chaque étape, puis de la sortie ?
Quel est la nature de cet écart ? Sur quels indicateurs posés à priori puis-je m’appuyer pour le justifier ? Nous sommes dans une évaluation formative, qui a pour fonction de vérifier qu’il y a progression réelle ou non.

C- Quel niveau est atteint, par rapport à ce que l’on peut légitimement attendre de populations dotées de ces pré-requis, pour une formation de cette durée et de ce coût ?
Ce sont les modalités classiques de notations/tests., les seules qui sont, la plupart du temps, mises en œuvre et explicitées. C’est une évaluation sommative à partir de laquelle il est possible de mettre en ratio la rentabilité du système.


Chacun de ces niveaux peut faire apparaître des difficultés nécessitant des actions spécifiques. Il convient cependant :

• De les distinguer soigneusement. Il ne servira pas à grand chose de répondre à des difficultés liées à des comportements par des remèdes strictement cognitifs.
• D’éviter les persévérances perverses, le
“plus de la même chose” quand c’est justement cette chose qui a amené ce résultat.

C’est la mise en relation constante de ces trois niveaux, au plus près du temps réel, qui pourra mener à des régulations efficaces.
Pour une population de classe préparatoire à une grande école, personnes en principe très finalisées et très motivées, maîtrisant les fonctionnements et règles de l’institution (puisqu’elles leur ont apparemment réussi), le formateur pourra se contenter d’une mise sous contrôle des niveaux B et C et centrer sur la transmission technique disciplinaire. Il n’en sera pas de même avec des jeunes en difficulté ou des demandeurs d’emploi. Mais il n’en sera pas de même non plus avec des cadres d’entreprise en séminaire.

L’auto-positionnement, l’auto-évaluation prennent, dans ce cadre, toute leur importance. Il situent l’auditeur, en permanence, en tant que partenaire dans l’atteinte des objectifs et co-producteur . Proposer et négocier des formalisations de ces modalités d’auto-évaluation fait alors partie des tâches du formateur.
La comparaison des résultats de l’auto-évaluation et des évaluations effectuées par le formateur peut mettre à jour des écarts critiques.


4- Faire évoluer la situation-


Théoriquement, un système a trois modes principaux de changement: :

A- Il s’adapte momentanément à un changement de son environnement ou de ses “envies” du moment.

B- Il évolue par croissance, ne serait ce que du simple fait de l’accumulation d’expérience par mémorisation. En fait, la croissance, passé un certain seuil, se transforme en une complexification :
• De la croissance, quantitative,
• De la différenciation interne (accroissement de la variété structurelle),
• Des mécanismes d’intégration et de communication internes supplémentaires (accroissement de la réserve de redondance structurelle).

C- Il évolue en modifiant ses projets et donc son organisation, captant/interagissant avec de nouveaux environnements, là encore en se complexifiant.

Nous l’avons vu, une situation de formation évolue. Si nous la représentons en tant que système, nous distinguerons :

• Ce qui enrichit la situation, oblige à enrichir horizontalement la variété des acquis par de nouveaux comportements, de nouvelles heuristiques, des nouveaux programmes d’actions, de nouveaux concepts.
Cet objectif demandera des formes de travail souples, semi ou peu directives, faisant appel à la créativité, laissant un large champ d’autonomie aux acteurs.
• Ce qui va accroître l’intégration verticale des acquis, la fiabilité et la performance des programmes et des techniques et méthodes déjà intégrés, enracinant les acquis, les associations et les coordinations.
Cet objectif suppose des formes de travail directives, normatives et relativement rigides, avec des contraintes impératives.

Rappelons que c’est l’activité du sujet qui est mémorisée et que, dans ce domaine, la première priorité est dans l’investissement du sujet dans la situation, et son acceptation des contraintes.

4.1- Les écarts- Dans le cadre de l’évolution d’une situation de formation, l’écart entre les nouvelles consignes et les anciennes rejoint la problématique de l’information :

• Trop d’écart et les acquis de la situation précédente sont perdus de vue ou inutiles. Il y a rupture dans le processus avec production d’une gamme d’observables comportementaux des auditeurs.
• Pas assez d’écart, et on assiste à une sorte de répétition de la situation précédente, avec, là encore, production d’une gamme d’observables comportementaux.

Le dispositif de contrôle du formateur doit, avant tout être conçu comme un outil de vérification de SON efficacité.
De nombreux travaux de psychologie expérimentale situent à 10% la marge de nouveauté acceptable pour, à la fois, poursuivre le processus et atteindre la pleine productivité. La mesure de cette marge de nouveauté, hors protocole expérimental ultra-dépouillé, est impossible. L’analyse à postériori, mais au plus près du temps réel, des observables comportementaux des auditeurs (très variables selon les cultures, les âges, les milieux sociaux d’origine, l’âge et la dynamique du groupe) est l’unique indicateur permettant la régulation en continu.

4.2- Une situation de formation est, en fait, une interaction entre l’apprenant et un ordonnancement donné d’une partie de ses environnements, ordonnancement auquel il devra d’abord donner sens.
Le processus de formation, dans le cadre d’objectifs généraux, revient à mettre l’apprenant en situation d’interaction appropriée au moment approprié.
La réalisation de la consigne, si elle s’accompagne d’un investissement fort, mobilisant les ressources de l’individu, entraînera une mémorisation large, une réelle intégration (et non une simple addition) des acquis de la situation.
La succession cohérente, pertinente par rapport aux objectifs, vérifiée par l’investissement d’apprenants régulièrement gratifiés aboutit à une mémoire qui devient organisatrice des connaissances, compétences et capacités.
La situation doit opérer le lien fonctionnel entre les contraintes (et les objectifs) du formateur et l’expérience (et les objectifs) des auditeurs. Elle est à la fois stimulateur vers les objectifs assignés et filtre de la complexité de ces objectifs, filtre-stimulateur dont l’apprenant peut et doit participer à la gestion. Les prescriptions du management participatif peuvent et doivent s’appliquer en totalité au management d’une situation de formation. On arrive ainsi, dans le cadre des progressions, à une approche épigénétique des conceptualisations.

Le souci de l’investissement des apprenants qui doit être la priorité du formateur, oblige des procédures de négociation et d’information, de la même manière que le management participatif oblige un certain nombre de réunions bien gérées.
L’investissement des apprenants (condition nécessaire mais non suffisante) mesure la validité, rend compte de la cohérence et garantit une homogénéïté et une continuité des processus qui soit centrée sur l’ apprenant.



Concluons en rappelant que:


• L’apprenant est co-auteur, acteur autonome de la situation. Il fabrique et crée ses connaissances à partir de l’interaction entre ses expériences, organisées en niveaux logiques et un/ des environnements dotés d’une marge d’incertitude. Il ne consomme pas des savoirs: il les produit et les intègre en mémoire à partir de son analyse de situations-problèmes.

• Un cursus, une séquence de formation sont constitués d’une succession de situations de formation, interaction entre la mémoire d’un apprenant et un environnement doté d’une marge modérée d’incertitude, grâce à la réduction d’incertitudes que doit opérer le formateur. Cet environnement en partie incertain, en partie connu constitue le socle commun à partir duquel on pourra faire quelque chose.

• Une situation de formation, produisant de la valeur ajoutée, peut être représentée en tant que système doté d’un certain nombre de processeurs.

• Les caractéristiques du processus de déroulement d’une situation comportent des étapes et des bifurcations possibles. Ces étapes peuvent être mises sous contrôle.

• Les procédures de contrôle et d’évaluation d’une situation de formation constituent le système d’information du système. Elles sont obligatoirement plurielles et participatives.

• Une situation de formation peut et doit évoluer dans la mesure ou l’investissement des apprenants ne connaît pas de ruptures.

1- P. SYLVESTRE in article “L’apprenant, le savoir et le formateur” in Revue Sciences Humaines n° 12, op. cité. Retour au texte
2- Dont aucun n’est significatif en soi, mais dont le mode d’organisation ensemble fait émerger du sens.
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3- cité dans M. SELVINI-PALAZZOLI & collaborateurs “Le magicien sans magie “ - ESF, 80.
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4- Outil de recherche exhaustive des causes d’un problème, étape 2 de la méthode de résolution de problèmes.
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5- C. CUDICIO “ Comprendre la PNL”, “ Maîtriser l’art de la PNL” Ed. d’organisation.
P. CAYROL et P. BARRERE “La programmation neuro-longuistique, applications pratiques” ESF-EMI.
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1998