Interaction et mémorisation

Essai de modélisation opérationnelle

Francité

 
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1- Interaction
2- Mémorisation

La mémorisation est au coeur du processus d'apprentissage. Les travaux scientifiques actuels ne font qu'en effleurer la complexité intrinsèque. Le modèle qui suit n'a d'autre prétention que de proposer des pistes d'appréhension opérationnelle par des praticiens de l'apprentissage.

 

1- L'interaction 

En nous inspirant (très) librement des thèses de H. LABORIT et du postulat du traitement de l'information de RM GAGNE (1) , nous pouvons représenter la chaîne qui va de la perception à l'action avec six niveaux d'effets possibles :

• l'arc -réflexe,
• l'inhibition de l'action,
• les réponses globales,
• l'évitement,
• les situations non-problèmes,
• les situations-problèmes.
 
Si des atteintes subliminales ou douloureuses se produisent, Alors l'arc-réflexe puise dans des réflexes innés ou acquis sans faire appel à la mémoire.
Si le taux d'incertitude de la situation est extrêmement élevé, Alors le système se paralyse et subit un traumatisme.
Si le taux d'incertitude de la situation est très élevé, Alors le système va exhiber des comportements globaux, mobilisant tout l'organisme, à forte dépense énergétique, de fuite ou de lutte.
Si la situation n'est pas pertinente, mais sans mise en cause du système, Alors l'information se noie dans le "bruit" ambiant.
Si existe un écart très restreint entre le perçu et les schèmes engrammés, Alors le système va puiser dans les schèmes d'action déjà construits avec l'activation d'une régulation de l'action. Des contraintes supplémentaires de vitesse, d'économie, voire de forme vont pouvoir affiner les performances de ces schèmes mais sans bouleverser l'organisation en mémoire.
Si existe un écart un peu plus important (situations-problèmes), Alors une mémoire de travail spécifique, centrée sur la situation, doit s'actualiser, rassemblant, à partir d'heuristiques, des engrammes jugés proches. Se déroulent alors des allers-retours permettant les comparaisons (selon, au moins, un mode global et un mode analytique, à partir d'un certain nombre de critères explicitement ou implicitement définis) jusqu'à ce qu'une solution acceptable pour le système soit trouvée.
Ce n'est qu'ensuite que se déclenche l'action effectrice (intellectuelle ou motrice) proprement dite, avec des précautions de mise en œuvre et d'éventuels retours à l'analyse si les développements ne produisent pas les effets escomptés.

Ne figurent pas sur ce schéma, afin de ne pas l'alourdir davantage, le processus proprement dit de comparaison entre :

• les données de l'information et les engrammes mémorisés,
• celles occasionnées par les allers-retours "heuristiques- différents schèmes d'action possibles" à l'intérieur de la phase de projection,
• celles occasionnées par les régulations de l'action entre ce qui est conçu et ce qui se déroule effectivement.

Comme nous le voyons un processus complexe, processus en grande partie "noir", sur lequel les connaissances sont encore balbutiantes, mais sur lequel des hypothèses de travail permettent d'identifier certains points critiques, certains "moments de vérité" susceptibles d'amener un changement par rapport aux comportements escomptés et qui, dès lors, peuvent donner lieu à des procédures d'Assurance.

 

2- Mémorisation

Ces prélables nous amenent à poser huit axiomes (que nous pensons) opérationnels dans une formation d'adultes :

1- Est engrammé le produit subjectif (tel qu'il est vécu) des interactions et non pas des "informations désincarnées". De même que la qualité est finalement appréciée globalement au cours des interactions entre le client et la disposition du produit ou de la prestation, c'est l'activité du sujet au long du processus, telle qu'il l'a subjectivement vécue qui est mémorisée et qui va marquer durablement les symboles intégrés en mémoire. L'activité ne prend de sens que par référence à l'expérience de l'individu et ses projets explicites ou implicites.
TABARY (2) note "C'est l'activité du sujet qui est mémorisée et non le milieu qu'il rencontre ; cette activité est mémorisée comme le système la perçoit, non comme le ferait un observateur extérieur. La fixation des traces est orientée en très grande partie par la décision du système".
 
2- Les engrammes résultent d'une suite de codages-décodages qui sont, à chaque fois de véritables fabrications (3) à partir d'élements provenant conjointements de différents canaux sensoriels et par différents modes cognitifs.
La "logique de la communication" (4) est créatrice de "bruits" quelquefois désorganisateurs, y compris de la relation qui lie les deux émetteurs-récepteurs.
 
3- Le sens donné par le sujet à l'interaction (fonction de son expérience, ses humeurs et ses projets) déterminera le mode d'organisation (indexation & adressage) des engrammes en mémoire et donc leur mode ultérieur d'opérationnalité par rapport à leurs contextes d'interactions futurs.
La même interaction vécue comme gratifiante ou comme non-gratifiante aboutira à des modes d'engrammation sensiblement différents et donc à des modes d'opérationnalité futures d'efficacité différentes.
Il semble que le non-gratifiant, s'il peut améliorer la performance opérationnelle d'un programme défini (dressage) brûle de la redondance et obère donc ses capacités de transfert, de flexibilité et d'adaptabilité. C'est un fait qui se vérifie trivialement tous les jours dans certaines situations scolaires : des mises en situation d'échec répétées aboutissent à un sentiment conjoint de dévalorisation, de rejet global du système scolaire (de ses valeurs et de ses acteurs), rigidifiant un certain nombre de conduites sociales ultérieures.
 
4- Le degré d'incertitude et d'implication dans lequel se trouve le sujet lors de l'interaction, s'il dépasse certains seuils variables (fonction du sujet et de son état du moment), va influer sur le codage des informations issues de la situation et rigidifier ou accroître son adaptabilité future.
Quels que soient les publics, un cursus de formation ne doit jouer que sur des situations à taux d'incertitude faible ou très faible, induisant une ingénierie de la réussite.
 
5- L'actualisation des engrammes s'effectue au cours d'un processus de quête (réductible à des heuristiques logiques) analytique et globale et de re-fabrication à partir du sens que donne le sujet à l'interaction.
Il y a donc toujours nécessité de prévoir un espace et un temps pour cette quête en acceptant à priori la variété des heuristiques individuelles, en essayant de la visibiliser afin de pouvoir espérer l'enrichir et/ou la rendre plus performante.
 
6- On ne peut distinguer (sauf si l'on prend le temps et les moyens nécessaires dans des protocoles ultra-dépouillés), dans une situation de formation :
• l'information de son traitement (computation),
• les programmes engrammés par l'expérience du sujet,
• les mécanismes d'heuristiques,
• les capacités de représenter-projeter,
• les décisions d'actions,
• leur mise en œuvre,
• leurs déroulements.
La seule régulation externe s'opère traditionnellement par l'analyse des sorties et peut se comparer aux seuls contrôles terminaux de la conformité des produits du début du siècle. On sait que ce système a depuis notablement évolué.
Les travaux de JF RICHARD (5) montrent cependant des analyses des processus de mémorisation menant à des opérations quantifiables.
 
7- "Ce sont nos actes qui nous engagent" (COMER & LAIRD), pas ce que l'on nous dit. L'engagement dans un acte problématique (ne correspondant pas, à priori, à nos conceptions) conduit la plupart du temps à une modification des représentations engrammées dans le sens d'une rationalisation/justification de l'acte. L'engagement dans un acte nouveau, s'il est gratifiant, va modifier nos représentations ultérieurs.
De la même manière que l'engagement de la Direction, puis de l'encadrement, puis de tous les personnels dans une démarche Qualité amèneront, à la fois, des évolutions des comportements et, plus durablement encore, de la manière de traiter les différentes informations extraites des systèmes d'information formel et informel de l'organisation.
 
8- La mémoire est la synthèse des actions-perceptions de l'interface système-environnement auxquelles le système a donné sens et qui lui ont permis d'extraire du sens. A ce titre, elle est représentative d'un état stable momentané des déséquilibres inévitablement existentiels entre soi et les extérieurs. Elle est indissociable d'une problématique de l'identité.
 

Pour ATLAN (6), se fixent et se mémorisent les redondances perçues dans l'environnement. L'analyse symbolique des redondances ainsi enregistrées permet vraisemblablement de mettre en évidence des méta-redondances et la répétition de ces transferts (JF RICHARD) permettrait d'isoler des structures générales plus abstraites en les dépouillant des particularités propres à chaque contexte. La mémoire apparaît alors comme un "négatif" (au sens photographique du terme) capable de transformer, à l'intérieur d'une certaine fourchette, la variété environnementale en une redondance opérationnelle douée des propriétés d'un hologramme.

Cette redondance symbolique opérationnelle, c'est la définition-même d'un concept dont la plasticité doit permettre la "reconnaissance" d'objets ou d'évènements à partir des perceptions. Un concept est une "représentation abstraite qui sélectionne, parmi les différents traits que peut posséder un objet, ceux qui sont pertinents pour l'identifier" (7).

 

1- Cité par P. VAYER & C. RONCIN dans "Psychologie actuelle et développement de l'enfant" - ESF 88. Retour au texte
2- JC TABARY "Mémoire et organisation" in "Les processus collectifs de mémorisation" et intervention au Colloque de Cerisy "L'auto-organisation" Retour au texte
3- cf. les travaux de HUBEL, WIESEL, JANNEROD sur les mécanismes de la vision. Ils la décrivent comme une véritable fabrication faisant appel à l'expérience du sujet. Retour au texte
4- cf. les ouvrages de Paul WATZLAWICK relatifs à la thérapie familiale parus au Seuil. Retour au texte
5- JF RICHARD et C. GEORGES "L'approche psychologique de la cognition" in "Intelligence des mécanismes, mécanismes de l'intelligence" - Fayard, fondation Diderot 86. Retour au texte
6- Henri ATLAN: "Entre le cristal et la fumée" - Seuil 78. Retour au texte
7- Mots clés du dossier "Les tendances de la recherche" in Revue Sciences Humaines n° 12, février-mars 96. Retour au texte
 

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1999